Il marchait seul dans la nuit. Depuis toujours, il aimait arpenter Venise après le coucher du soleil. Un écouteur sur les oreilles, c’était chaque fois la même musique qui l’accompagnait : Vivaldi, le Magnificat et le Gloria. Un enregistrement sublime qu’il ne peut plus entendre sans que son cœur se remplisse du bruit de ses pas qui résonnent sur les dalles des ruelles, sans être pénétré de l’envoûtante odeur de la Cité endormie, ce mélange unique d’air marin, de salpêtre et de bois pourri. Il marchait seul dans la nuit en compagnie de ses rêves. Dans cette ville unique au monde, il savait qu’on ne risque pas de mauvaises rencontres dans les rues de Venise.
Il avait ainsi appris à connaître chaque recoin de la ville. Sa première promenade, il l’avait faite, seul déjà, un soir d’août alors qu’il n’avait pas quinze ans. Il demeurait avec ses parents et ses sœurs au Londra, sur la Riva dei Schiavoni, avant de partir pour la Grèce et la Turquie. Ce soir-là, il n’avait pas voulu accompagner sa famille à un concert. Il préférait se promener, seul. Il partit en même temps qu’eux mais choisit d’aller dans l’autre direction, vers les Giardini Reali, derrière la Piazza, le long de cette promenade qui borde le bassin de San Marco, avec les gondoles et les taxis bien alignés devant les balustres en pierre blanche. Le soir toute une foule cosmopolite et élégante s’y rencontre. De mauvais peintres y proposent des portraits à trois sous, des camelots se mêlent aux touristes sous le regard indifférent des nombreux chats qui vivent là depuis toujours. Il avait toujours aimé les chats et surtout ceux de Venise, tantôt faméliques, tantôt plantureux. Ses sœurs se moquaient de lui : il voulait un chaton vénitien comme à Rhodes il voudra un chaton grec. Ce n’était plus un enfant mais ce jeune adolescent restait très jeune dans sa tête. Poète, il rêvait chaque instant de sa vie et sa rencontre avec Venise fut un miracle, une révélation. Il ne devait plus s’en guérir. Jamais.
La nuit allait être belle et la lune brillait. Le soir tombait peu à peu recouvrant d’un voile rose les toits et les façades. Les colonnes de la Piazzetta se dressèrent devant lui quand sonnait le Gloria dans son casque. Il se rêva condottiere dans son retour triomphant d’Orient. Tour à tour prince d’Asie ou riche marchand, il avançait à travers les rues, hors du temps. Fasciné, il marcha plusieurs heures et ne revint dans sa chambre que fort tard dans la nuit. Il s’endormit, rompu, les yeux remplis de toute la beauté dont il s’était imprégné dans cette nuit magique.
Ce plaisir ne l’a jamais plus quitté. Il a grandi, Devenu homme, il a beaucoup voyagé. Nombreux de ses rêves d’enfants ont été trahis, perdus, abandonnés. La vie ne lui a pas toujours été facile, mais il n’a jamais cessé de revenir marcher dans la nuit, à Venise. Et toujours, depuis plus de trente ans, il écoute le Gloria et le Magnificat en errant sur les ponts, dans les rues et les campi de sa ville.
Parfois c'est la romance anonyme de Narciso Yepes ou la sonatine de la Cantate BWV 106 de Bach qui l'accompagnent, mais aucune musique n'accompagne et illustre mieux la longue histoire d'amour qui le lia définitivement ce soir à Venise...
La nuit allait être belle et la lune brillait. Le soir tombait peu à peu recouvrant d’un voile rose les toits et les façades. Les colonnes de la Piazzetta se dressèrent devant lui quand sonnait le Gloria dans son casque. Il se rêva condottiere dans son retour triomphant d’Orient. Tour à tour prince d’Asie ou riche marchand, il avançait à travers les rues, hors du temps. Fasciné, il marcha plusieurs heures et ne revint dans sa chambre que fort tard dans la nuit. Il s’endormit, rompu, les yeux remplis de toute la beauté dont il s’était imprégné dans cette nuit magique.
Ce plaisir ne l’a jamais plus quitté. Il a grandi, Devenu homme, il a beaucoup voyagé. Nombreux de ses rêves d’enfants ont été trahis, perdus, abandonnés. La vie ne lui a pas toujours été facile, mais il n’a jamais cessé de revenir marcher dans la nuit, à Venise. Et toujours, depuis plus de trente ans, il écoute le Gloria et le Magnificat en errant sur les ponts, dans les rues et les campi de sa ville.
Parfois c'est la romance anonyme de Narciso Yepes ou la sonatine de la Cantate BWV 106 de Bach qui l'accompagnent, mais aucune musique n'accompagne et illustre mieux la longue histoire d'amour qui le lia définitivement ce soir à Venise...
2 commentaires:
- C'est en traversant mon premier pont et en rencontrant donc le premier canal, au bout d'une ruelle étroite et sombre, à la descente d'un vaporetto coté Castello, que je suis tombée irrémédiablement amoureuse de Venise...
- Découvrir vos mots , vos textes , le matin ...quel plaisir ! mais quel bonheur aussi de musarder ce soir , avant de me mettre au lit ... et rêver d'Elle ... anita
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