Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

03 février 2008

Il y avait à Venise un maure très brave...

C'est ainsi que commence le roman de Giraldi Cinthio dont s'inspira Shakespeare pour écrire sa célèbre tragédie "Othello". Le mari épris (et qui s'est cru trahi) de la pure Desdémone n'avait de maure que le nom, qui fut quelques dizaines d'années plus tôt aussi celui d'un doge célèbre. Notre Othello était en fait gouverneur de Chypre. Suggérée par le fielleux et jaloux Iago, l'infidélité présumée de la belle le rendit tellement fou de rage qu'il en tua son épouse avant de se donner la mort...
 
L'histoire fit beaucoup de bruit en son temps et Cinthio qui n'avait que six ou sept ans au moment des faits s'est peut-être souvenu de cette histoire et la raconta dans un ouvrage que les vénitiens de la cour du roi d'Angleterre s'arrachèrent. William Shakespeare en prit certainement connaissance un soir d'hiver, au coin du feu, dans une des salles du palais de Saint-James où résidait la cour. L'Ambassadeur de Venise à l'époque était un ami de l'auteur. Fin lettré, il contribuait à diffuser poèmes et romans, en même temps qu'il faisait découvrir aux lords et aux duchesses de la cour les peintres et les musiciens de la Sérénissime. C'est ainsi qu'allait naître l'une des tragédies les plus belles et l'un des textes les plus grands de l'histoire de la littérature mondiale. Othello, au même titre que les tragédies grecques et le théatre classique français, est un monument de l'art d'écrire universel.

Tous les touristes connaissent le maison de Desdémone, l'exquis petit palais Contarini-Fasan, sur le Grand Canal. Le jeune et fringant Othello passa en gondole sous le balcon de la belle qui tomba éperdument amoureuse de l'officier richement vêtu qui n'avait d'yeux que pour elle... Vous connaissez la suite. 
 
Mais ce que peu de gens savent, c'est où se trouvait la demeure du jeune homme. Il n'en reste pas grand chose. Seulement quelques vestiges enchâssés dans une construction plus récente, au numéro 2615 du sestiere de Dorsoduro, sur le campo dei Carmini, en face du majestueux palais Foscarini. C'est là qu'habitait la famille Civran-Guoro. On peut voir leur blason sur la façade sur le rio dei Carmini. Là, se dresse une niche. avec à l'intérieur la statue d'un soldat. Attribuée à Antonio Rizzo ou à son atelier, elle représente un homme jeune, la main appuyée sur un bouclier. C'est Cristoforo Moro, devenu pour l'éternité le vaillant et orgueilleux Othello. 
 
En 1508, il partira à la demande du Sénat pour défendre Chypre et les intérêts de la Sérénissime. Sa jeune épouse demandera à le suivre. Cela la perdra. Le drame enfiévra Venise des semaines durant. Puis le dramaturge anglais s'empara de l'histoire. Il en fera une légende universelle. Les restes du malheureux couple ainsi immortalisé par une tragédie anglaise, sont peut-être ensevelis sous les dalles antiques de la petite chapelle de la famille Guoro (construite par Sebastiano da Lugano), quand on est dans l'abside à droite, dans la tranquille église Santa Maria del Carmelo, appelée église des "Carmini". Au passage, je vous recommande de demander à visiter le petit jardin derrière le campanile. Un lieu un peu abandonné et secret comme on aime à en découvrir à Venise...

 

1 commentaire:

Jaio a dit…

Enchanté de trouver un gran amoureux de Venise. J'avais lu quelque-chose de semblable dans le guide Corto sconto qui est un guide qui décrit des itineraires à faire sous le guide de Corto Maltese (Il existe en français mais j'ai la version italienne)

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