Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

04 février 2008

Connaissez-vous le musée Oriental ?

En 1887, le prince Henri de Bourbon-Parme, comte de Bardi et sa femme, la Princesse Marie, fille du roi Ferdinand des Deux-Siciles partent pour un long périple en Orient. Ils ramèneront de leur voyages plus de 30.000 objets rares et précieux, témoins des civilisations qu'ils ont rencontré. Ces objets sont pour la plupart exposés Ca'Pesaro depuis la création du musée en 1928, là où se trouve aussi le musée d'Art Moderne (qui abrite une superbe collection d’œuvres du XIXe et du XXe arrivées à Venise avec la création de la Biennale). 
 
Le Museo d'Arte Orientale représente une des plus importantes collections d'art japonais de la période Edo (1600-1868) en Europe, avec beaucoup d'objets des débuts de cette période mal connue (le Japon s'était entièrement refermé sur lui-même et seuls les hollandais avaient des liens avec le pays). On peut admirer aussi dans les salles parfois exiguës du musée, de très belles pièces de l'art indonésien et chinois. Mais quelle est l'histoire de cette collection ? Comment est-elle arrivée à Venise ? Les fondateurs donnèrent au musée le nom de Marco Polo évidemment.Mais c'est d'un autre qu'il eut peut-être fallu le baptiser.
 
Le prince de Bourbon-Parme, cadet de la famille qui régna sur une bonne partie de l'Italie du sud avant l'unification sous l'égide de la famille de Savoie. C'était un grand voyageur, cultivé et passionné par l'Orient et l'Asie. Il était à l'Italie, ce que son cousin le duc d'Aumale fut à la France. Un de ces princes savants, mécènes et esthètes qui firent à eux seuls bien plus que mille commissions ministérielles pour l'art et la culture... 
 
Henri de Bourbon aimait à voyager. Quand à la fin du XIXe siècle il décida de se rendre en Asie, il prépara son voyage avec beaucoup de sérieux. Nanti d'énormes moyens financiers (la fortune personnelle du prince et de son épouse, née princesse royale de Bourbon des Deux-Siciles, les amitiés tissées avec des savants et des intellectuels, les relations avec les diplomates en poste à Pékin ou à Tokyo facilitèrent les choses). 
 
On dispose du carnet de voyages d'un des membres de la suite du prince. Ces notes nous permettent de suivre presque pas à pas l'expédition. A son retour le prince ramenait des centaines de caisses contenant ces 30.000 pièces qui fond la collection du musée. D'abord installée au Palazzo Vendramin Calergi où résidait habituellement le prince quand il était à Venise (là-même où sa tante la duchesse de Berry habita et où mourut le 13 février 1883, Richard Wagner, son locataire), en attendant un lieu d'exposition adapté, la collection faillit disparaître à la mort du prince en 1905. 
 
C'est un antiquaire de Vienne qui se chargea de la mise en vente. A la fin de la première guerre mondiale, la collection fut attribuée à l'Italie au titre des réparations de guerre. En 1928, une convention passée entre l’État et la Ville de Venise permit son retour sur les bords du Grand Canal. L'installation provisoire à la Ca'Pesaro, magnifique bâtiment légué à la ville par la comtesse Bevilacqua la Masa, dure toujours. L’État a acquis le palais Marcello dans la perspective d'une installation définitive entièrement dévolue aux arts orientaux et qui permettra de montrer la totalité de la collection dont beaucoup de pièces restent en réserve faute de place.

Ce musée peu visité par les touristes est un bijou inattendu. Non seulement pour la qualité des œuvres exposées et le talent du prince qui sut assembler une collection de grande qualité, mais aussi à cause des lieux. Une grande bâtisse calme et retirée. Un silence de monastère. C'est un lieu que j'aime beaucoup. Allez-y, vous comprendrez ce que je veux dire. Il y règne quelque chose de différent que la muséographie contemporaine ne sait plus traduire en dépit de la technique et des moyens employés. Ce côté parfois un peu en retrait, un peu démodé. L'impression que des objets dans leur vitrine va surgir l'esprit de gens venus de très loin auparavant. 
 
Musée Oriental
Ca’Pesaro

Santa Croce, 2076
(ligne 1 ACTV)
Tél. : 041 5241173
Ouvert tous les jours
de 11h à 17h en hiver
et de 10h à 18h en été.

1 commentaire:

Gérard a dit…

Bravo pour cet article !
Il est parfait .
Cette collection résume à elle seule l'esprit oriental de la grande Venise .
Sa grande et on peut le dire éternelle respiration .
Vers le large .
C'est un des lieux de la Sérénissime qui m'a le plus marqué .
Un des lieux .
Que je n'oublie jamais . Là-bas .
Le dernier étage de la Pesaro , le crissement des derniers escaliers , raide l'escalier en bois de ce bâtiment somptueux , appareillé de chaque côté , la proue du vaisseau , la nacre des armes , leur profusion , les innombrables petites boîtes à raffinements , les porcelaines ainsi que , ainsi que , ....
Le grand silence .
Des nobles esthètes .
Disparus .
Mais aussi celui des chemins touristophages .
Mais pas tout à fait quand même .
Comme ceux qui aujourd'hui tiennent les Antiques romains du Louvre .
Ce lieu m'inspire beaucoup .
Quel trésor secret que ce périple que le prince fit !
En quelque sorte , on est loin de la jet-set inutile d'aujourd'hui .
Il reste à certains aristos , encore , ce petit plus qui les différencie !
Et qui parfois m'épate , me comble . Et jamais ne m'agace .
Chapeau pour eux !