Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

27 janvier 2009

Connaissez-vous le Saint Georges d'Ucello ?

Lorsque je travaillais à mon mémoire d'histoire de l'Art à Venise, j'avais devant moi une reproduction des différentes représentations de l'histoire de Saint Georges avec le dragon, et l'une des oeuvres qui me touchaient le plus était celle de Paolo Ucello, conservée au musée Jacquemart-André, à Paris, devenu depuis un de mes lieux favoris dans la capitale.
 
Petit panneau de moins d'un mètre peint sur bois, dans les années 1440, certainement réduit et tronqué par des restaurations successives, le tableau avec ses archaïsmes et ses innovations, fait bien le lien entre la peinture du trecento, sur laquelle je travaillais et les innovations du quattrocento triomphant. Paolo Uccello (1397-1475) s'est inspiré de la littérature médiévale (c'est Jacques de Voragine, dans la Légende dorée, qui popularisera en 1265 cette belle histoire) mais il a aussi développé tout ce qui était connu à ce moment-là de la perspective et de la couleur. On a du mal à imaginer en regardant les toiles de cette époque, qu'elles aient pu être révolutionnaires et scandaliser l’œil des amateurs. En l'occurrence, la recherche narrative du peintre se veut résolument nouvelle. Si l'artiste reste dans la filiation naturelle qui part de l'école gothique, avec la représentation d'une scène de la mythologie moderne, l'esprit de la chevalerie, le décor classique et la représentation toute aussi classique du monstre, la scénographie et le décor architectural (avec l'essai de perspective) ouvrent la voie à une vision moderne de la représentation. Quelque chose de théâtral se dégage de ce merveilleux petit tableau. La Renaissance voire le baroque sont présents dans cette peinture.

Paolo Ucello est totalement florentin. Élève de Ghiberti, ami et condisciple de Donatello, il était membre de la compagnie des peintres de San Luca, qui était en contact avec la guilde vénitienne. Ce qui lui valut une embauche sur le chantier de rénovation de la basilique San Marco où il vint participer à la réalisation de mosaïques malheureusement disparues aujourd'hui. Son séjour à Venise (de 1425 à 1430) , lui permet de se familiariser avec le travail de Gentile da Fabriano et Niccolò di Pietro, de Zanino di Pietro et de Jacobello del Fiore, mais aussi des premières manifestations de l'art de Pisanello et d'assister à l'épanouissement de ce qui a été appelé depuis le Gothique international dont il restera très imprégné.
 
Florentin passé par Venise donc, mais à la contemplation de ce Saint Georges combattant le dragon, à observer le paysage, la roche très carton-pâte, qui protège l'antre du dragon, les constructions au lointain (Silène,la cité fortifiée de la princesse lybienne que le saint va sauver du dragon), tout s'intègre à merveille dans le décorum vénitien et on peut penser que ce panneau aurait pu faire partie de la collection d'un de ces patriciens mécènes amateurs d'art et fins connaisseurs. J'aime à croire que Paolo le toscan fut séduit par la belle Sérénissime. 
 
Et puis, l'art n'a pas de frontière, pas plus que la beauté comme le rappelait souvent le regretté Olivier Clément à la suite de Paul Evdokimov, son maître, citant sans cesse la belle phrase de Dostoïevsky : « la beauté sauvera le monde»... 

3 commentaires:

Gérard a dit…

En mars de cette année , au musée Jacquemart-André , les primitifs italiens . Pour plusieurs mois . Bon , l'endroit est plein de mélancolie , de grandeur artistique , de vieilles dames des beaux quartiers discrètes et très distinguées et toujours amoureuses de leur cher Paris .
L'endroit est magnifique !
Je ne le connaissais pas .
Mais le plus somptueux , c'est vraiment cette double volée d'escaliers symétriques , le patio , où le marbre soutient avec une extraordinaire légèreté la fresque Contarini sur Henri III .
Quelle merveille !
Mais quelle merveille !
J'en suis toujours à me demander comment ils ont fait pour l'arracher , la décrocher , la reprendre , lui donner cet éclat .
Admiratif !
Les Primitifs italiens , boulevard Haussmann .

Michelaise a dit…

Tant d'heures passées devant ces peintures... Mais là n'est pas le sujet de mon commentaire : le thème c'est "souvenir souvenir"... Vous êtes de Bordeaux, et vous avez "fait" histoire de l'art... Vous êtes plus jeune que moi, mais peut-être avez-vous connu le professeur Pariset (qui faisait de mon temps un cours sur l'architecture anglaise !!!) Cousset qui était alors assistant (enfin de mon temps) et m'a fait découvrir la peinture française du XIXème, j'ai planché sur un printemps de Millet que je revois toujours avec émotion... et le professeur Gardelle qui faisait de l'art médiéval... Si je cite tous ces noms (j'ai oublié les autres) c'est que c'est grâce à eux que j'ai fait à 18 ans à peine mon premier voyage en Italie, la Toscane avec eux ça a été une révélation, Cimabue, Fra Angelico dans le cloître San Marco, Sinne, quelles émotions imaginez un peu !!! Et ensuite, lorsque je suis tombée amoureuse, la première chose que j'ai faite c'était d'y trainer mon amoureux transi... Résultat des courses pendant trente ans, nous n'avons eu de cesse que d'y retourner, encore et encore !! Je leur dois une fière chandelle à ces vieux messieurs (enfin Cousset à l'époque il était jeune !)

Michelaise a dit…

Petit complément pour Gérard à propos de Jacquemart André : moi j'adore y retourner souvent, pour leurs expositions de très belle tenue (Van Dyck était magnifique) et pour jouer jusqu'au bout à la "vieille dame"... prendre le thé sous les superbes Tiepolo c'est un plaisir qui ne se boude pas !!! autrefois il y avait là des scones inimitables, mais on y déguste encore d'excellentes pâitsseries !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vos commentaires :