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| © Photographie Jeff Cotton |
enise
en 1884. La cité des doges a sombré depuis une cinquantaine d'année
dans une misère incroyable. Les plus anciens de ses habitants se
souviennent encore de la prospérité et de l'opulence des dernières
années de la République. Les caisses de l’État étaient certes presque
vides, mais la société fonctionnait comme elle l'avait toujours fait,
pareille au mouvement du balancier d'une horloge. Napoléon avait ensuite
surgi, bloquant le mécanisme que les autrichiens s'empressèrent de
dérégler définitivement. L'indépendance de l'Italie et le rattachement
des anciens territoires de la République à la couronne vidèrent Venise
de ses forces vives. Elle n'était plus désormais qu'une petite ville de
province dont les façades n'étaient plus entretenues et où les plus
modestes de ses habitants ne trouvèrent plus de travail. C'est dans ce
contexte un peu morbide, que les riches aristocrates du monde entier,
attirés par le charme de la déliquescence, vinrent en masse s'installer
sur les bords du Grand Canal.
Parmi eux, un britannique issu d'une vieille famille de parlementaires britanniques, Sir Frederick Eden, (1828-1916), tomba amoureux de la ville. Avec sa femme, Caroline Jekyll,
comme lui passionnée par Venise, il acheta en 1884 une ancienne
dépendance du couvent des soeurs de Santa Croce. C'était un vaste espace
semi-rural, un vestige de potager où poussaient ça et là des rosiers
sauvages, des hortensias. Ils entreprirent de le transformer, l'agrandir
et le planter. Mais restaurer des bâtiments et aménager un jardin
d'agrément sur la lagune n'est pas aussi facile que dans le Kent.
Il
tira de cette épreuve titanesque un récit horticole très pittoresque et
plein de poésie comme les anglo-saxons savent si bien en écrire. Publié
à Londres en 1903, «A garden in Venice» eut un grand succès et fut aussitôt traduit dans le monde entier. Sir Eden
avait conçu son jardin comme un anglais sait le faire, avec un respect
inconditionnel de la nature, mais sans oublier pour autant le côté : « Our individual taste loves vegetation as nature grows it rather than as man clips it ».
on jardin fascina aussitôt les visiteurs. Toutes les célébrités littéraires de l'époque en ont parlé : Proust, Cocteau, Rilke, Henry James, Aragon. D'Annunzio situe un des épisodes de son célèbre roman Le Feu dans le jardin. Le célèbre Baron Corvo proposa ses services comme gardien du poulailler. Jean Cocteau est
à Venise en 1908. A peine âgé de 19 ans, il accompagne sa mère dans un
grand tour de l'Italie du nord par un bel automne. Un soir, le 24
septembre exactement, son ami Raymond Laurent se suicide sur les marches de
la Salute. Ils venaient à peine de se quitter, après avoir visité le
jardin en compagnie d'un jeune américain cause du drame. Le triste
épisode lui inspira une poésie, intitulée «Souvenir d'un soir d'automne au jardin Eden». L'allusion à l'évènement figure dans ces quelques vers à la consonance symboliste presque outrée : «jardin exquisément fatal, sépulcre embroussaillé de roses».![]() |
| © Photographie Jeff Cotton |

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| © Photographie Jeff Cotton |
Le
journaliste dépeint des allées négligées aux pavés disjoints, des
pergolas écroulées et des statues brisées couchées dans de hautes herbes
folles. De quoi alimenter de romantiques rêveries et mille rumeurs. 
Photographies extraites du livre de Frederick Eden.13 commentaires:
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L'histoire du jardin est passionnante, et donne envie d'aller le voir lors d'un prochain séjour... quant à l'ortie j'avoue que cela me plait beaucoup, je pratique la même politique avec mon jardin, et ma voisine est furieuse, voire fachée avec moi de ces fantaisies sauvages !
En fait j'u ai des graminées car je il n'y pas d'orties... c'est vrai que ces dernières sont bien commodes pour la soupe !
Michel l'avait bien dit c'est TRES tendance !!
http://lepetitrenaudon.blogspot.com/2009/07/jardin-bio.html -
Tout l'Art réside en un juste milieu : ni trop, ni trop peu. Entre la nature "sauvage" et le "domestiqué", il est possible de tout imaginer.
Peut-on encore pénêtrer dans ce jardin ? Je n'en ai pas trouver l'entrée lors de mes nombreux séjours.
Gabriella -
Merci Lorenzo pour ce beau billet! Je suis justement en train de lire le livre de F. Eden. Espérons qu'on jour quelqu'un décidera de faire renaître ce beau jardin.
à+
AnnaLivia -
Si vous désirez lire cet article dans sa version d'origine
http://www.fictionalcities.co.uk/gardenofeden.htm
Habituellement lorsqu'une personne utilise des informations ou des photos glanées sur mon site, elle me demande tout d'abord l'autorisation de le faire ou a l'amabilité d'offrir un lien pour mon site. Malheureusement, dans le cas présent je me vois obligé de le faire moi meme. -
Dear Jeff Coton,
I apologize if you think that my post is only a translation of your excellent article on the item. If I have to pay tribute to your text, i do it "volontiers".
Mais laissez-moi souligner que la plupart des illustrations sont extraites de l'ouvrage original de Sir Frederick Eden, disponible et utilisable librement sur Google Books d'où je les ai copiées, et que les autres illustrations sont en libre accès, toujours sur Google.Elles m'ont d'ailleurs été adressées par une des éminentes spécialistes des jardins vénitiens, qui les utilise depuis longtemps notamment en diaporama pour ses conférences et publications à Venise et ne se permettrait pas de les utiliser sur des outils officiels s'il y avait un problème de copyright.
Mais puisque vous revendiquez la propriété artistique des clichés présentés et effectivement utilisés dans votre excellent billet, je vous remercie de la précision que vous venez d'apporter aux lecteurs de Tramezzinimag.
Cependant je vous suggère de rectifier la mention "dans sa version d'origine" qui laisse entendre que mon texte ne serait que la traduction du votre, ce que je réfute.
J'ai effectivement trouvé dans votre texte des précisions qui ne figurent pas toutes dans l'ouvrage de Sir Eden et dont je me suis servi.
Je ne pense pas qu'imposer à mes lecteurs le détail des sources compulsées, lues et utilisées pour compléter et développer mes articles s'impose.
Je vous remercie toutefois d'avoir pris la peine de mentionner tout cela.
Quant au lien sur votre site, il existe depuis longtemps dans ma liste des sites que je recommande mais il est vrai que cette liste est encore un peu "fouillis". Vous me donnez l'occasion de la repenser.
J'espère que ces précisions vous conviennent, notre commune passion pour Venise ne laissant certainement pas de place à la polémique.
Cordialement et vénitiennement votre.
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Hundertwasser ! je l'ai rencontré à Salzbourg. J'avais eu une correspondance avec lui, lui racontant mes péripéties pour voir ces oeuvres à Vienne. J'étais tombée sur une employée intelligente et motivée à l'office du tourisme. Ne sachant où elle pourrait m'envoyer pour voir ses peintures, elle m'envoya voir la maison, devenue célèbre, encore en construction. J'étais jeune à l'époque, et la vision de cette maison, avec ses colonnes inclinées,les mosaïques contre les murs, les étages à l'aspect tous différents, me laisse encore un souvenir immémoriale.
Après ma lettre, il a demandé à son représentant en Suisse, de m'envoyer quelques livres et même le calendrier, qu'à l'époque je ne pouvais pas m'offrir.
Vous pouvez imaginer ma surprise.
Ce même représentant, m'avertit d'une expo à Salzbourg, où je suis allée. Les maquettes d'autoroutes enterrées m'ont aussi impressionné.
Je lui suggérais de proposer à notre municipalité, des rénovations pour un quartier du centre devenu plus que vétuste. Il me répondit, qu'il étais trop vieux pour convaincre des gens qui n'y comprenais rien *. Il parlait un français parfait, ayant vécu à Paris. Je me rappelle encore le pull qu'il portait, un magnifique Missoni.
Le centre de Lausanne a été rénové, mais je me surprends encore à rêver ce que ce centre aurait eu de couleurs et d'attractions, si Hundertwasser l'avait pris en main.
Béatrice décoratrice à Lausanne. -
Si vous aimez les jardins, à Lausanne en ce moment une manifestation qui pourrait vous intéresser :*LAUSANNE JARDINS* dont vous pourriez suivre le parcourt ( et les commentaires) sur mon blog.
Béatrice de Lausanne. -
Etant enfants, nous avons mangé beaucoup d'orties que ma mère nous envoyait cueillir, mes soeurs et moi. En soupe, c'est délicieux.
Béatrice de Lausanne. -
Excellent billet !
J'aimerais tant y flâner ...
M.17 -
Les lords excentriques anglais m'ont toujours passionné . Comme leurs roses . Et c'est bien peu dire . Leur vaste culture , très précise , excessivement précise , ciblée au millimètre , leur désinvolture large et faussement négligée , cette façon d'agiter la muleta jamais démentie , et cet art inimitable de confectionner jardins souples et pergolas raides quand leurs fils s'occupent tranquillement de guerres mondiales à tout va . Stupéfaction totale de la part d'un simple lecteur ! Et une légère pointe d'admiration quand même . Un petit rosier " New Dawn " fera très bien l'affaire de ce désuet souvenir .
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Ah les roses anciennes,délicates et parfumées... Je vous recommande le blog de Béatrice de Lausanne, à propos de jardins. Et vrai, les orties en soupe c'est délicieux. Avec de l'ail et des croutons.
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Félicitations pour cet article vraiment intéressant et parfaitement rédigé.
Tout y est : les personnages, la nature, l'histoire, et bien entendu la Ville !
Cet espace paradisiaque aurait-il existé si le parlementaire avait porté un autre nom ? Vous avez su résister à la tentation du jeu de mot.
Bonne soirée ! -
J'ai laissé un message ailleurs mais je le redis ici. Il y a eu dans une Galerie de la Giudecca une exposition de photos magnifiques de Venise vue d'avion. Un livre:"Venise vue d'en haut" a été publié et sur l'une des photos on voit trés bien le jardin d'Eden.
Voici un lien vers la Galerie qui a édité ce livre de photos:
http://www.giudecca795.com/ita/



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