26 juin 2011

Au soir d'un jour torride...


L'enfant vient de reprendre ce passage difficile de la sonate. Do majeur. Le clavecin répand dans la maison son âme un peu désuète, presque déplacée par ce temps trop ensoleillé. La chaleur au dehors est devenue pesante. Pas un bruit, pas un passant. Les chats cherchent de la fraîcheur dans les recoins les plus sombres de la bibliothèque. Même les mouches économisent leurs mouvements et on ne les entend plus voler. Par la fenêtre entrouverte un air sec, parfumé et bouillant se répand. On pourrait se croire quelque part dans une ville de Méditerranée, non loin du désert. Pourtant, je suis incapable de renoncer à ma tasse de thé brûlant. La chope bleue est posée, là, sur la petite table du salon, devant le canapé rouge. Sur le plateau, une assiette de biscuits, des abricots et des cerises. Si j'étais peintre, j'aimerai dresser le portrait de ces objets inanimés parce que mes mots ne parviennent pas à rendre vrais pour le lecteur ces formes et ces couleurs qui forment le décor de ce dimanche d'été.
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C'est aujourd'hui la Fête-Dieu, plus communément appelé maintenant la Solennité du Saint-Sacrement. Plus personne ne s'en souvient, mais ce dimanche autrefois, partout en terre chrétienne était un jour de joie et grandes réjouissances. Les enfants, vêtus de blanc, jetaient sur les chemins des jonchées de pétales de fleurs, précédé par les servants de messe en surplis rouges garnis de dentelles, des diacres, des chantres, sous la pavillée, un dais d'or et de soieries ou une grande ombrelle, passait le saint-Sacrement, le plus souvent dans un magnifique ostensoir de bronze ou d'argent ciselé porté par le prêtre. Derrière le clergé, tout le village suivait en chantant des cantiques. Sur le trajet, le cortège faisait étape devant des autels dressé pour l'occasion, les Reposoirs gorgés de fleurs odorantes et de dentelles précieuses. Chacun revêtait ses plus beaux atours... Je pense toujours à Francis Jammes qui en parle si bien :
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"oh! ce parfum d'enfance dans la prairie trempée
d'eau et d'azur, parfum de pieuse jonchée
de joncs-fleuris sous les pas des processions
des hameaux noirs, parfum de fougère écrasée
au soir d'un jour torride, quand les inflexions
des chants ne peuvent pas mourir et que mon âme
a peur de trop aimer, parfum de lis en flammes,
comme j'en voyais dans les vieux paroissiens,
parfum des dimanches soirs dans les jardins,
parfum d'encensoirs purs qui vont à Dieu ensemble,
parfums de rosiers qui, à l'aube, tremblent..."
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A Venise aussi, il y avait une procession. Un cortège de barques et de gondoles chamarrées transportait clergé et fidèles le long des canaux. Partout sur le bord des canaux, aux balcons des maisons, sur les places, la foule applaudissait, et se signait au passage du Corpus Domini. L'infiorata (tapis de fleurs) sur l'eau, avait quelque chose de magique avec ces centaines de pétales de roses, de lilas et de jasmin qui flottaient sur l'eau verte de la lagune et jonchaient les dalles des ruelles...

1 commentaire: 

Anonyme a dit…

La fete du Corpus Domini existe encore dans le sud de l'Italie... Je reviens de vacances du Salento, l'extrême sud des Pouilles, d'un petit village à mi-chemin entre la Mer ionienne et l'Adriatique, et dimanche dernier nous avons pu assister à cette procession - en mode mineur pour une si petite commune - où tous les enfants portaient des paniers de pétales de fleurs qu'ils ont sagement répandus devant chacune des églises où la petite foule s’arrêtait pour attendre la sortie d'un autre saint sacrement entouré d'un prêtre et d'une nouvelle "confraternità" laquelle portait également un immense bâton orné de rubans et d'un bouquet campestre.
Et cela n'avait absolument rien de touristique. Malgré la présence d'une vingtaine d'enfants, l'age moyen des participants laisse toutefois présager que dans quelques années nous n'assisterons plus à un tel cortège...

Gabriella

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