Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

06 janvier 2011

Une librairie qui ferme, c'est un peu d'humanité qui meurt

Triste début d'année pour la culture à Venise : c'est aujourd'hui que la librairie Mondadori ferme définitivement ses portes. La pétition signée par des milliers de vénitiens et d'étrangers aussi n'aura servi à rien. Après des mois de lutte, les multiples interventions de personnalités, dont Giovanni Pellizzato (qui est aussi propriétaire de la librairie de la Toletta), les propriétaires des lieux n'ont rien voulu savoir. 
 
Ce haut-lieu de la culture et du livre à Venise, bien que ressemblant à s'y méprendre à un de ces supermarchés culturels genre Fnac, Virgin ou autre, était plus qu'un grand magasin. On y trouvait des milliers de titres, il s'y organisait des rencontres, des expositions. La biennale y était même présente puisque le Spazio eventi abrita même  le pavillon biélorusse pour une exposition très courue. 
 
C'est une méga-boutique de luxe qui va prendre la place des livres. Pour le bonheur des japonais et des nouveaux riches russes et chinois : Vuitton s'installe... Mais il est certainement plus important pour les vénitiens, petits et grands, d'avoir un magasin Vuitton plutôt qu'une librairie ! Comme il est certainement mieux d'avoir au pied de chez soi des centaines de boutiques d'artisanat Made in China plutôt qu'un épicier ou un cordonnier ! Nous vivons une époque moderne !

Voilà, la page se tourne. En note de bas de page, juste un constat. Toujours le même, l'argent (qui ne manquait pas à la librairie, vue la fréquentation du public et l'emplacement à deux pas de Saint Marc) est vainqueur. La société propriétaire (en l'occurrence Benetton) n'a vu que le profit et se sert du bâtiment comme objet de pression dans son combat avec la ville pour la rénovation du Fondaco dei Tedeschi.

Plus je vieillis et plus je ressens de la haine (le mot n'est pas trop fort) pour ces financiers et ces traders inhumains et imbéciles qui ne voient la vie et les hommes qu'au travers d'un seul et même prisme : le profit, la rentabilité, la croissance... Venise qui a un peu inventé le libéralisme et a nourri tout au long des siècles un amour pour l'argent assez caricatural, en est aujourd'hui sans cesse la victime.
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  "Ils n'ont toujours rien compris   et pourtant,
   quelque part au loin,
   un terrible orage gronde déjà
   que tout l'or du monde
   jamais ne pourra freiner...
"
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Pour ceux qui sont à Venise et qui liront ces lignes, rendez-vous à 17h30 devant l'entrée, pour un dernier hommage à la librairie, aux livres et à la culture. Fêtée lors de l'inauguration par plus de 2.000 personnes avec une masse de gens dans les rues adjacentes qui ne purent rentrer, essayons d'être à la hauteur pour rendre à la librairie et à ses initiateurs un vibrant hommage et un dernier adieu à ce lieu. Il est prévu un Brindisi d'honneur !
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Crédits Photographies © Manua et Fausto Baroder