Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

28 octobre 2017

Petits riens comme on les aime...


L'été indien fait des merveilles. Alors que dans les bois un peu partout les feuilles jaunissent et qu'au jardin il a fallu dire adieu aux dernières tomates, le ciel s'est fait clément et les températures, dès midi montent comme en juillet. Le soleil brille et partout on voit des baigneurs. Pourtant les matins sont plus frais chaque jour et la brume se dissipe lentement. 
Hier, des nappes de brouillard couvraient toute la vallée. Une vision superbe soudain nous a été offerte : un chevreuil qui passait en contrebas et n'avait que la tête en dehors du nuage de brume. Il regardait autour de lui étonné puis a repris sa route s'enfonçant tout entier dans la grisaille. Quelques minutes plus tard il ne restait rien de cette nappe grise qui avait tout recouvert et on pouvait de nouveau apercevoir l'horizon, la ligne verte de la forêt où l'on croit deviner parfois celle de l'océan.
Délices de ces petits riens que la nature nous donne et que bien souvent nous ne prenons guère le temps de contempler. Je me souviens de notre grand-mère qui chaque année nous appelait, fébrile, pour que nous venions vite assister à l'éclosion de la première fleur de notre magnolia. au Japon, il n'est pas rare de se réunir pour admirer le coucher du soleil que tous applaudissent spontanément. Merveilleux spectacle qui justifie notre présence sur cette terre et appelle à rendre grâce pour tant de beauté, tant de cadeaux, tant de joie simple et gratuite.
J'écris ces lignes sous le marronnier, une tasse de thé fumant devant moi, entouré des chiens et des chats ravis de me retrouver. Au loin les méandres de la Garonne. L'air est rempli des parfums de l'automne, délicieuses effluves de bois mouillé, d'humus et de feux de cheminée qui me rappellent mon enfance. La belle mélodie à Chloris de Reynaldo Hahn  qu'interprète Jaroussky se répand dans l'air. Elle se mêle joliment cliquetis des clochettes tibétaines accrochées aux branches du vieil arbre. Belle harmonie. Joli temps, douce paix.

A Venise aussi c'est l'été indien. Le brouillard se répand presque chaque jour sur la ville et ne s'éloigne que tard dans la matinée. Le spectacle y est magique aussi. La ville est comme enchâssée dans un rêve. Tout devient mystérieux. Puis le soleil revient et le ciel nettoyé resplendit d'un bleu unique. Il faut avoir connu ces journées où la lumière s'essaye aux tonalités les plus diverses comme pour en conserver la mémoire et s'assurer que rien ne manque sur sa palette. C'est peut-être l'esprit de tous les peintres qui ont vécu ici. Ceux pour qui la lumière coulait comme le sang dans les veines,  sa fluidité, ses nuances et ses caprices se répandant comme un merveilleux poison d'amour qu'ils traduisaient en chefs-d’œuvre... Venise me manque déjà. Elle me manque toujours, même ici. Peut-être ici davantage qu'ailleurs, la beauté d'un paysage me ramenant toujours à la beauté de Venise.

Ces pensées vagabondes et désordonnées me ramènent à une de mes lectures du moment. parmi elles Le Garçon sauvage  (Il Ragazzo selvatico) de Paolo Cognetti qui a reçu cette année le prix Strega pour son dernier ouvrage Le Otto montagne (Einaudi). Il y a aussi la (re)découverte d'un roman fabuleux peu connu en France, du grand écrivain suisse Jacques MercantonL'été des sept-dormants, qui a déterminé mon choix d'entrer en écriture, comme sœur Viviane, prieure de la communauté des diaconesses de Mamré, longtemps installées au Brillac, frère Roger et Jean-Paul II qui n'était encore alors que l'évêque Carol Wojtila, m'avaient amené à penser choisir d'entrer en religion... Ce sont les livres qui décidèrent de mon choix de vie et le roman de Mercanton est un de ceux qui m'ont façonné.

Ce texte fondamental a orienté toute ma sensibilité littéraire jusqu'à me faire naître des personnages en filiation directe avec les personnages de ce grand écrivain francophone. Sommes-nous prisonniers de nos lectures, incapables de nous détacher de leur influence, ou bien ces passions littéraires ne sont-elles que l'affirmation d'une appartenance commune à la même sensibilité, notre cœur vibrant de la même manière que les auteurs qui nous touchent ? Nous serions liés par une secrète familiarité qui dépasserait les limites matérielles, ne s'encombrant ni du temps ni des circonstances... Un peu comme cette sensation qui nous fait dire parfois d'un être que nous venons de rencontrer qu'il nous semble l'avoir toujours connu...

1 commentaire:

  1. c'est très difficile de vous lire, la surbrillance du blanc sur le noir n'est pas l'ideal , sinon c'est toujours aussi beau!
    floraben

    RépondreSupprimer

Vos commentaires :