Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

30 mai 2006

Le séjour de Marcel Proust à Venise

La petite photo agrandie et pas très nette que j'ai mis l'autre jour en illustration d'une phrase qu'aurait pu dire un personnage de la Recherche a suscité bien des réactions et des interrogations. Profitons-en pour rétablir une vérité et en finir avec les approximations de certains guides.
 
Marcel Proust, lorsqu'il débarque en 1900 à Venise en compagnie de sa mère, n'est pas descendu au Danieli dont il parle bien entendu (c'était le rendez-vous mondain comme le Florian ou le Quadri, pour le thé ou le dîner). Il loge à l'Albergo Europa, hôtel de qualité lui aussi mais situé de l'autre côté de San Marco, près de San Moïse et du Ridotto, à la Ca'Giustiniani devenu depuis le siège de la Biennale. Verdi y logeait quand il dirigeait ses opéras à la Fenice, Théophile Gautier y séjourna aussi. Sur la photo jaunie, vous noterez une terrasse de bois avec des balustrades et des lampadaires juste au dessus du niveau de l'eau. Au fond, une guérite de bois. Cette terrasse, aujourd'hui remplacée par un balcon en pierre d'Istrie, était située alors devant le palais, à hauteur des ouvertures du rez de chaussée. On voit bien à gauche la forme des encorbellements qui entourent les fenêtres de l'entresol juste au-dessus des ouvertures carrées du rez de chaussée. On retrouve ces sculptures sur la gravure du XIXe qui montre le palais avant que soit installée cette terrasse - solarium.
A quoi peut penser Marcel Proust ? A Albertine dit quelqu'un sur un site. Je crois qu'il laisse simplement son regard errer devant lui, l'animation du Grand Canal, le traghetto qui passe non loin, les peotte remplies de fruits et de légumes, les gondoles qui transportent de belels vénitiennes et de riches anglais romantiques. Il a tellement voulu ce voyage depuis tant d'année comme sa grand-mère qui elle, n'y viendra jamais. Il pense à Ruskin que sa mère a traduit pour lui dans le train, aux tableaux de Guardi, de Gentile Bellini, de Carpaccio dont il se servira dans la Recherche. Il songe peut-être à une de ces mélodies ampoulées de son ami Reynaldo Hähn qui séjourne à Venise lui aussi, ou aux magnifiques costumes de Mariano Fortuny qu'il vient de découvrir, non loin de là dans le palais du brillant espagnol... 
Mais ces détails sur le séjour de Proust à venise me donnent envie de continuer à parler de peinture. Celle que l'écrivain aimait et dont il a rempli les décors de ses chapitres tout au long de la Recherche, mais aussi dans ses lettres, ses articles. Il y a aussi dans la Venise d'aujourd'hui des choses à dire à propos de peinture : l'exposition de la collection Pontus Hulten à Santo Stefano, l'ouverture du Palais Grassi revu par François Pinault, la grande fête que le milliardaire breton a donné à l'Arsenal pour ses 920 invités, somptueuse réception où Marcel Proust aurait été à l'aise, auprès de la Duchesse de Marlborough et de l'Impératrice d'Iran

J'aimerai vous parler aussi de la réouverture de la Ca'Pesaro, le musée d'art moderne de Venise où de nouvelles salles se sont ouvertes à la gloire des artistes vénitiens contemporains. La restauration du Palais Fortuny aussi et les projets en cours. Voilà de nombreux articles en perspective... Mais où vais-je trouver le temps d"écrire tout cela... Je cherche, je cherche...

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