Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

27 février 2020

La situation de l'épidémie de COVID -19 en Italie


À ce jour, le nombre de cas en Italie est de 374 cas confirmés dont 12 décès, rapportés dans 10 régions. Parmi les 374 cas, 96% des cas sont concentrés dans 3 régions : 69% des  cas se situent en Lombardie (258 personnes), 19% en Vénétie (71 personnes), 8% en Emilie-Romagne (30 personnes), et les autres cas dans les régions suivantes : Piémont (3), Latium (3), la Sicile (3), la Toscane (2), Ligurie (2), Trentin Haut-Adige (1) et Marches (1).

En octobre dernier, et sans rapport aucun avec le COVID-19, des experts mandatés par les autorités sanitaires internationales ont publié la première édition du Global Health Security Index, qui a établi une étude qui visait à évaluer le degré de préparation de 195 pays face à un risque biologique émergent, comme une épidémie liée à un nouveau virus. Le résultat fait un peu froid dans le dos, il apparaît qu'aucun pays ne semble vraiment prêt. L'Italie se classe à la 31e position, pratiquement dernière parmi les pays riches... Cela explique la radicalité des mesures prises par le gouvernement italien et les autorités locales pour tenter de redresser la situation et d'activer tout ce qui est possible pour contenir l'épidémie, disposer des outils et matériels pour éviter que la situation s'envenime.

Cela ne veut pas dire qu'il y a réellement danger à être en Italie aujourd'hui. Si c'était avéré, les frontières seraient fermées, les liaisons aériennes, terrestres et aquatiques interrompues ou mises sous contrôle et les ambassades organiseraient le rapatriement des ressortissants de leur pays. On n'en est pas là. 

Le nombre de personnes présumées atteintes s'explique sans aucun doute par l'attrait touristique de la péninsule pour les asiatiques qui viennent nombreux visiter le pays avec notamment une très forte fréquentation pour Florence et Venise.
Ballo del Doge 2020
Mais, Biens Chers Lecteurs, gardons la tête froide et regardons les chiffres établis par les autorités sanitaires mondiales :

A 15 heures, le mercredi 26 février 2020, à 15h, la situation épidémiologique internationale fait état, sur une population mondiale de plus de 7 milliards (7.767.212.378 personnes exactement !), on comptait hier, 26 février 2020 (à 15h), 81.027 cas confirmés de COVID-19, dont 78.095 cas en Chine (96,4%) et 2.932 cas dans le reste du monde (3,6%)

Parmi ces cas avérés, 2.716 personnes sont mortes en Chine (PRC), 2 en France, 2 à Hong-Kong, 1 au Japon, 1 aux Philippines, 15 en Iran, 4 sur le bateau de croisière "Diamond Princess", 1 à Taïwan, 11 en Corée du Sud et 11 en Italie. Même s'il est claire que les chiffres augmentent, on est loin de la pandémie et, bien que préoccupant, le nombre de victimes reste excessivement faible. Sans se voiler la face sur l'importance et l'actuelle dangerosité de ce virus, il n'y a aucune raison de se ronger les ongles de terreur. encore moins d'arrêter de vivre normalement. c'est le parti pris par les vénitiens dans leur grande majorité.

Au total, 5 continents sont touchés : l'Asie hors chine continentale  avec 1 769 cas, l'Europe avec 383 cas, l'Amérique avec 65 cas, l' Océanie (22 cas) et enfin l'Afrique avec seulement 2 cas. Il faut ajouter les 691 cas confirmés sur un bateau de croisière au large du Japon. Les Grandi Navi ne sont pas mis en cause par les vénitiens pour rien !

Toujours au 26 février, parmi les 39 pays hors Chine ayant signalé des cas, les autorités notaient 5 nouveaux pays touchés : l'Autriche (2 cas), l'Algérie (1 cas), le Brésil (1 cas), la Croatie (1 cas) et la Suisse (1 cas).

Rappelons qu'au moment où je rédige ces lignes, le nombre de décès dans le monde suite à un cancer est de  1.591.260 ! 

Voilà pour les chiffres. L'inconnu, les craintes ancestrales, la pression médiatique, tout concourt à perturber le plus grand nombre d'entre nous. Bientôt les adeptes de la théorie du complot se répandront à travers les réseaux sociaux, parleront d'une stratégie des chinois, de la CIA, des russes ou du Mossad. Les séries télévisées financées par Amazon et Netflix vont dans ce sens (Hunters avec De Niro, The Messiah...). 

Un monde nouveau, où tout va très vite, cela donne un peu le vertige. Les vénitiens, comme tout le monde sont un peu préoccupés et pas seulement pour les retombées négatives que le surgissement de cette épidémie à la une de l'actualité a déjà sur l'économie locale. Mais ils ont connu des épisodes autrement plus lourds dans leur histoire. Les grandes épidémies de peste ont décimé la population. Lors de la première grande épidémie, en 1347, la Sérénissime qui comptait un peu plus de 100.000 habitants en 1347, en perdit plus de 60.000 ! En 1574, avant la peste, Venise comptait plus de 195.000 habitants. Après la peste, il n'en restait qu'un peu plus de 130.000 ! Parmi les victimes, le doge, les membres du Grand Conseil, de nombreux religieux, des artistes (Titien notamment) et des milliers d'enfants aussi. Pourtant la ville fit face, les habitants s'organisèrent, s'entraidant et se réconfortant. La dernière grande peste en 1630-1632 emporta un tiers de la population !



Une fois encore Venise, toujours innovante, servit de modèle en créant les lazaret pour regrouper les malades et tenter de les soigner en les éloignant du reste de la population. la quarantaine était inventée et elle fut systématisée partout ensuite. Le terme même vient de Venise, puisque le premier lieu de quarantaine était une île occupée par une communauté bénédictine. Île et couvent portaient le nom de Santa Maria di Nazareth. Bientôt appelé Nazaretto, qui devint par ontologie, assimilant les lieux au Lazare des Evangiles, donna Lazaretto... Partout où sévissait la peste noire dans le monde, on vit bientôt s'édifier des lazarets, bâtis et organisés sur le modèle vénitien.

La détermination des vénitiens et leur foi donna aussi au monde de merveilleux monuments, l'église du Redentore puis la Salute, directement liés aux terribles épidémies que la République de San Marco connut au cours des siècles. Serait-il déplacé de publier un billet sur cette époque terrible dont beaucoup de témoignages ont été conservés qui tous donnent une image différente de la manière dont elle fut vécue, jour après jour, par la Sérénissime vécut ? Tramezzinimag attend vos avis.

Plusieurs siècles après, les participants au fameux Bal du Doge de cet an de grâce 2020, somptueuse et décadente soirée (XXVIIe édition !), à laquelle il faut avoir assisté au moins une fois,  étaient bien au courant de l'Arrêté du gouverneur. Zaïa, au diapason du mode de pensée des élites qui nous gouvernent avait annoncé la couleur : écoles et universités fermées, rassemblements interdits, plus de cultes, de marchés, de concerts... Pourtant, le bal, qui avait lieu à la Scuola de la Misericordia, chez le doge Brugnaro (qui en est propriétaire à travers sa Holding Umana et la Reyers, le club de basket qui lui appartient) - Tramezzinimag vous reparlera de l'évènement dans un prochain billet) - s'est déroulé dans la liesse - qui était tout sauf populaire, vu le prix des billets - et il y avait foule. Tout le monde s'est follement amusé sans cordon sanitaire, et vins et champagne coulaient bien plus volontiers que des solutions hydroalcooliques et les masques n'avaient rien de chirurgicaux.

24 février 2020

Un oukase du gouverneur Zaïa tord le cou au carnaval, interdit tout rassemblement et ferme les écoles...

Jules-Elie Delaunay, La Peste (1859)
Écoles fermées jusqu'au 1er mars, l'université bouclée, tout rassemblement public ou privé interdit et le carnaval arrêté deux jours avant la fin des festivités. Du jamais vu. Ces mesures draconiennes décidées par le "gouverneur" - titre ridicule copié des yankees qu'on donne ici depuis quelques années au responsable exécutif de la région, un homme connu pour son esprit réactionnaire et conservateur qui hurle avec les loups, c'est tellement politiquement correct, c'est tellement dans le sens de l'histoire que nos gouvernants partout en Occident aujourd'hui cherchent à nous imposer, véritables satrapes orientaux. 

Mais les Vénitiens en ont vu d'autres. Le coronavirus, à les entendre, serait partout véhiculé par les milliers de chinois (pour être plus juste, il faudrait écrire les milliers d'asiatiques) accourus à Venise pour le fameux Carnaval qui n'est plus depuis quelques années qu'une grosse fiesta vulgaire, en dépit de quelques beaux costumes. Ce n'est plus qu'un défilé vulgaire de pacotille, de beuveries et de mal-bouffe qui n'engraisse que quelques commerçants, remplit les hôtels - de périphérie - et empêche les habitants de vivre leur quotidien en paix. La rumeur, attisée par les journalistes comme d'habitude, parle de  25 cas dans le Veneto...  Pas un seul vraiment avéré, mais bon... A l'aéroport Marco Polo, on vous fait prend la température à l'arrivée et depuis quelques heures, c'est presque le couvre-feu permanent au nom du sacro-saint principe de sécurité. Bientôt on demandera de dénoncer son voisin s'il tousse ou crache.


Mais après tout, on peut rêver sur le sujet. Rêver que nos dirigeants, de plus en plus méprisables, réprouvés, haïs, moqués l’attrapent tous ce coronavirus, les uns après les autres ! On peut rêver que tous soient atteints et tombent comme des mouches ! 

Les peuples libérés de la folie de ces gens, de leur hystérie, de leur malhonnêteté, qui entraîneraient à leur suite dans uen gigantesque fosse commune les financiers, les politiciens véreux, et tous ceux qui leurs larbins. Ce grand ménage libérerait le monde du diable démultiplié, incarné dans les Macron, Salvini, Berlusconi, Trump, et tant d'autres à travers le monde... Qu'est-ce que cela nous soulagerait, dites-donc ! Qu'est-ce que cela ferait du bien à l'humanité ! 

Et tant pis si mes propos sont outrés, tant pis si quelques réactionnaires qui me liraient encore s'en étouffent et se désabonnent. Cela fait tellement du bien de rêver à un grand ménage. En tout cas, à Venise cela fait bien rire. Comme un bras d'honneur, une fois encore aux culs de plomb et aux pisse-vinaigres qui nous gouvernent (mais plus pour longtemps, coronavirus ou pas ! Et puis, voyons les choses d'une manière positive : imaginez la joie des enfants qui sont dispensés d'aller en classe ! La chance (et la joie) pour nos chères têtes blondes !

 Les tortues Ninja italiennes aux touristes : "allez ! Bouh ! Raus, schnell ! Du vent, via ! la fête est finie, la mort rôde !"

01 février 2020

Aimez-vous le son des cloches (suite et fin)

Des cloches, il y en a à Venise et bien plus qu'une par église. cela fait du monde. laissez-moi vous parler des plus fameuses, celles du campanile de Saint Marc. Six cloches y sont logées dont quatre ont été refaites avec les restes refondus de celles détruites lors de l’écroulement du campanile (le 14 juillet 1902). Pour s'en souvenir il faut les nommer par ordre de grandeur, de la plus grande à la plus petite : la Marangona, la Nona (ou Mezzana), la Mezzaterza (ou Pregadi), la Trottiera et la Renghera (ou del Maleficio, ou Preghiera). Il faut savoir cependant, qu'aucune d'entre elles, pas même la célèbre Marangona, n'est un des anciennes cloches de San Marco irrémédiablement perdues lors de la chute du campanile. 

Mais détaillons un peu ces vénérables dames de bronze :
La plus célèbre est le bourdon, la MARAGONA. Elle doit son nom parce qu'elle sonnait à l’origine le début et la fin de la journée de travail des charpentiers de l’Arsenal.  Marangon en vénitien est l’équivalent du mot falegname en italien. Mais il est faux de croire que cette cloche dont le son est si familier des vénitiens et apprécié aussi par les touristes, est la même que celle qu'entendaient les vénitiens jusqu'à l'invasion française. La vénérable Marangona des origines a été fondue en 1809 sous la deuxième occupation française.

 

Viennent ensuite , et dans l'ordre : 

La NONA ou MEZZANA servait à indiquer le milieur du jour. Elle rappelait aussi le dernier moment pour expédier les lettres depuis les postes du Rialto.

La MEZZA TERZA appelée aussi PREGADI sonnait l’appel des membres du Sénat qui s'appelait à l'origine le Consiglio dei Pregadin.

 
La TROTTIERA sonnait l’appel des nobles lorsqu’ils devaient se rendre au Grand Conseil (Consiglio Maggiore). Ils arrivaient au moyen-âge à dos d’âne ou à cheval et au trot, d’où le nom.


Enfin, la plus petite des cloches appelée MALEFICIO ou RENGHIERA avait une fonction sinistre puisqu’elle annonçait les éxécutions capitales. On la nommait parfois PREGHIERA aussi pour appeler à prier avec le condamné à mort qui n’avait plus que cela à faire avant son exécution. On raconte qu’après avoir sonné pour la décapitation du doge Marino Falier, il fut interdit de l’utiliser à nouveau. Elle resta longtemps sans son marteau et sans corde pour l’activer. Ce ne serait qu’après la reconstruction qu’on lui rendit la possibilité de sonner à nouveau.

Mais il en exista une autre qui sonna peu de temps mais resta dans le campanile avec les autres. Il s’agissait du CAMPANON DI CANDIA, la cloche rapportée de Candie où elle sonnait l’appel au Conseil. Elle resta longtemps au pied de ses sœurs puis le doge Alvise Contarini décida de la faire installer et sonner. Cela fut fait pour la fête de l’ascension en 1678. Dix ans plus tard, le jour de la saint Marc, elle se détacha et tomba sans aucun dommage. Personne ne la fit jamais remonter car elle n’avait plus aucune fonction précise pour la République. Elle demeura ainsi, dans un coin, oubliée. 



Les vénitiens sont familiers du son de la Marangona qui sonne à minuit chaque jour sans jamais une interruption depuis son installation. Un son qui fait taire toutes les autres cloches de la ville qui ne reprendront leur tâche que le lendemain à l’aube d'autant que, à l'aune de ce qui se passe un peu partout, l‘équipe municipale de Brugnaro a interdit de faire sonner les cloches la nuit, exception faite de la Marangona. On s'y est fait.

Du temps de la République, les cloches de Saint Marc sonnaient toutes ensemble pour les grands évènements. Le Plenum avait lieu notamment pour l’élection du doge, ou d’un nouveau pape et pour d’autres évènements importants.Une symphonie joyeuse et assourdissante comme un hymne de triomphe et de gloire.