








En se baladant, là où nous portent nos pas...VENISE, UN LIEU MA ANCHE UN VIAGGIO NELL'EUROPA CHE MI PIACE NOT THE ONE OF THE GLOBALIZATION, MAIS CELLE DES NATIONS, DES PEUPLES, DES CULTURES, PATRIA DELLA DEMOCRAZIA DELLA FILOSOFIA DELLA STORIA LA REINE DES VILLES AU SEIN DE L'EUROPE, REINE DU MONDE
Jeudi 7 février
Venise est ce qui reste du grand rêve byzantin. Ceux qui foulent ses pavés chaque jour se rendent-ils compte qu'ils posent leurs pieds sur les vestiges d'une gloire universelle ?
"Prendre une décision, c’est rajeunir de dix ans", dit Matzneff. C’est pour cela que je me sens aussi guilleret ce matin. J'ai quitté Graziussi qui finalement aurait aimé me garder dans sa galerie, et je vais changer d’appartement. Parviz doit quitter celui qu’il occupe avec Bijan à Dorsoduro. J’irai m’y installer.
Il fallait bien que cela arrive un jour. La musique de Vivaldi, les merveilleux décors naturels qu'offre Venise et tous les clichés (devenus lieux communs universels)
sur les masques, le carnaval qui durait six mois, l’Église revêche et
inculte avec son inquisition redoutable, les courtisanes et les
intrigants, les amours faciles, Casanova et le Marquis de Sade... Tout cela devait nous être servi après avoir été dépoussiéré comme Mademoiselle Coppola tenta de le faire avec son ridicule "Marie-Antoinette"
sur fonds de musique rock. Ici, le fonds sonore est plaisant puisqu'il
s'agit presque exclusivement de la musique du prêtre roux (et au demeurant dans une interprétation de qualité).
Mais le scénario prend beaucoup de libertés avec la réalité, le
contexte de l'époque, renforçant, sans le vouloir certainement, la
vision erronée et superficielle que le monde a de la Venise du XVIIIe
siècle...Cinéphages, cinéphiles, aspirants cinéastes du monde entier, la Mecque cinématographique se situe désormais à Saint-Médard-en-Jalles. C’est dans cette petite ville au cœur de la Gironde que se trouve l’unique salle qui diffuse Antonio Vivaldi, un prince à Venise.Immense nanar qui défie tous les superlatifs de nullité, ce Vivaldi n’est pas près d’être oublié pour quiconque aura eu la chance (si, si, c’est une chance à ce niveau là d’incompétences) de le voir. Réinventant durant une heure et demi le dicton « incroyable mais vrai », le film de Jean-Louis Guillermou offre l’immense privilège de découvrir ce que Amadeus aurait pu donner s’il avait été tourné avec un budget de deux francs six sous par un cinéaste porno bourré dirigeant une brochette de « comédiens » sous cocaïne. Les moments de se tordre de rire (si on décide de prendre le bon côté de la chose, l’autre étant bien évidemment de s’enfuir de la salle au plus vite) sont ainsi légions.Entre les délires de cadrage où l’on ne voit même pas l’acteur qui parle et où l’on découvre que Venise au 17ème siècle était déjà équipée en antennes télé, la pauvreté des décors (ah la cave familiale où Vivaldi fait toutes ses réunions) ou de la reconstitution historique (le souper royal façon Les Bidochons au camping), le vide sidéral de sens des dialogues assénés à répétition (cinq fois la même situation en un quart-d’heure) et le jeu ahurissant de comédiens littéralement fous (Galabru jouant le pape comme il jouait les gendarmes, Serrault pétant une diurite et se lançant dans un numéro de trompettiste à faire pâlir Charlie Parker, Stefano Dionisi en Vivaldi donnant à tous les Rocco Siffredi du monde le droit de recevoir automatiquement un Prix d’interprétation dans les festivals du monde entier), Antonio Vivaldi, un prince à Venise est une « perle » cinématographique, un événement comme on n’en voit qu’une fois dans une vie consacrée à arpenter les salles obscures.Direction Saint-Médard-en-Jalles ?
Quand à Venise, les pianos voyagent au fil de l'eau, la musique pourrait-elle se faire ici autrement que limpide ?
Au numéro 3399, sestiere di Canareggio. C'est là que Jacopo Robusti, dit Le Tintoret s'éteindra, entouré de sa famille et de ses amis, en 1594. Le palazzino est situé non loin du très beau palazzo dei camelli dont je vous reparlerai et juste à côté des fameux mori, ces statues encastrées dans le mur voisin sur l'origine et l'histoire desquels personne n'est d'accord.
Photo de © Jas - Le Campiello - Tous Droits Réservés
Après 210 ans d'absence, les Noces de Canaa vont retrouver leur emplacement original dans le magnifique bâtiment construit par Palladio dans l'île de San Giorgio Maggiore grâce à un véritable "second original", en fait un fac-similé à l'échelle 1:1, qui a pu être réalisé grâce à une technique de reproduction très sophistiquée encore
jamais utilisée pour une oeuvre de cette taille. Tous les éléments de
l'original sont ainsi reconstitués, non seulement les traits, les
contours dessinés, les traces de pinceau, les ajouts de couleurs, les
aplats de base, jusqu'aux imperfections de la toile et les traces
d'usure du temps. Mais en plus, il sera possible de voir tout ce que les
aménagements iconoclastes des premières années du XXe siècle avaient camouflé.
Cette
opération remplit un objectif spécifique qui est de rétablir
l'équilibre esthétique originel en vertu duquel le prodige artistique
réalisé par le tandem Palladio-Veronese devient pleinement compréhensible.
C'est vrai qu'il existe dans le Veneto des groupuscules autonomistes très vindicatifs qui utilisent la langue vénète (il y a de nombreuses variantes dans tout l’arrière-pays vénitien)
dans un but pas très avouable. La promotion qu'ils en font est truffée
d'arrières-pensées dangereuses pour l’unité nationale dont la naissance
fut pourtant vécue dans l'euphorie et l'enthousiasme par les vénitiens
du XIXe... en dialecte !
« Oii ! ».Tout le monde l’utilise à Venise. Depuis le gondolier qui lance ce cri à l’angle d’un canal pour signaler sa présence (la variante est "Aooe !")
à la personne qui veut vous faire une farce, saluer un ami croisé dans
une calle ou quelqu’un qui s’énerve. Aucune traduction de cette
onomatopée ne s’impose.
« Ma no ti gà na casa cio ?! »Phrase très utilisée à Venise où le problème de l’habitat est récurrent depuis plus de cent ans. Littéralement "Mais tu n’as pas de maison où aller ?". Ce "tu es à la rue ou quoi ?"
sert à exprimer la désapprobation, la surprise quand l’autre ne
comprend pas ce qu’on attend de lui, quand un chaland ne veut pas payer
le prix proposé par le marchand ou semble étonné de la somme demandée.
On l’entend aujourd’hui dans les stades quand il s’agit de tancer les
supporteurs de l’équipe adverse…
« Chei cani dei to morti ».
« Casso ».Très
répandu aussi chez les jeunes, les gondoliers et tout le petit peuple
des tavernes depuis toujours. Littéralement "bite", équivalent de notre
"couillon" ou "merde". A la fin d’une phrase, l’expression sert à
renforcer ce qui a été dit. A Bègles, près de Bordeaux on rajoute (avec l’accent) un "cong" significatif. C'est en plus grossier le "peuchère" des marseillais. Les titis parisiens diront "putain".
«Tel
un grain de poivre qui recouvre, assomme et vaut l’arôme de dix bottes
de pavots, c’est ainsi que vous êtes, vous qui êtes du même sang que les
Muses. Bien que né depuis peu, vous êtes pourvu de beaucoup d’esprit et
d’intelligence ; votre barbe est peu fournie mais votre tête est bien
pleine ; votre corps est petit mais votre cœur est grand, bien que jeune
en âge vous êtes mûr en sagesse ; et dans le peu de temps où vous avez
été apprenti, vous avez appris davantage que cent qui sont nés maîtres…»
Il est difficile pour nous qui ne sommes pas de savants historiens d’art, d’imaginer que le travail du Tintoret
ait pu être considéré comme moderne. Innovant. Il est vieux pour nous
de quatre siècles, mais avez-vous déjà réfléchi à cette idée : cette
peinture qui est pour nous aujourd’hui un trésor classique,
chef d’œuvre appartenant à la culture commune de notre humanité, a été
un jour une création contemporaine, une oeuvre totalement innovante...
Contemplée pour la première fois par les vénitiens ces toiles si
célèbres aujourd’hui ont pu choquer, déplaire mais aussi plaire jusqu'au
délire, emballer les regards ouverts et branchés de l’époque. C’est exactement ce que décrit Andrea Calmo dans sa fameuse lettre : «... Parmi ceux qui chevauchent le Pégase de l’art moderne, il n’en est pas de plus habile que vous dans la représentation des gestes, attitudes, poses majestueuses, raccourcis, profils, ombres, lointains, perspectives. On peut bien dire, en somme, que si vous aviez autant de mains que de qualités de cœur et d’esprit, il n’y aurait pas de chose que vous ne puissiez faire, aussi difficile fut-elle. Vous m’êtes bien cher, oh mon frère, je le jure par le sang des moustiques, car vous êtes ennemi de la paresse : vous passez votre vie partagé entre l’accroissement de votre gloire, la restauration de vos forces physiques et l’édification de votre esprit. Cela s’appelle travailler pour en tirer bénéfice et gloire,manger pour vivre et ne pas dépérir, et faire de la musique et chanter pour ne pas devenir fou comme certains qui s’adonnent tant à leur art qu’ils en perdent d’un coup la raison et leur tête…».
Où est-il le "Séquestré" inquiet dont parle Sartre
? Cet homme plein de talents débordant de vie, allait vite. Trop vite
pour certains, depuis le divin Arétin qui pourtant n’eut pas à se
plaindre de la vélocité et du talent du Tintoret, puisqu’il lui commanda la décoration des parois et des plafonds de son palais du Rialto ; trop vite depuis les commentaires de Vasari qui ne comprenait pas toujours tout, engoncé par les préjugés communs aux hommes de son époque. Mais cette vivacité plaisait à Rubens, à Rembrandt comme elle plaira plus tard à Fragonard, à Delacroix, à Manet, à Cézanne, à Nicolas de Staël aussi.C’est un homme moderne, ouvert, impétueux et déterminé. Il aime lire
les philosophes autant que les auteurs satiriques. Il fait de la musique, sait chanter et écrire. Il composa quelques dialogues comiques pour ses amis de la compagnie de la Calza, cette troupe de comédiens amateurs tous patriciens ou riches marchands qui s’organisèrent très tôt en compagnies et qu’on reconnaissait à leur tenue - des sortes de pantalons (les calze) rayés ou faits de pièces multicolores comme la tenue d’Arlequin .
Car peut-être ne le saviez-vous pas, mais en homme de son temps, le fils du teinturier est très cultivé. Dans sa lettre, Andrea confirme la grande sensibilité de Robusti,son goût démesuré pour la musique et son oreille. C’est la grande époque de la musique à Venise. Nombreux sont les salons où on se retrouve pour jouer entre amis. Chaque église, chaque confrérie a son orchestre, son chœur et si les murs de Venise sont couverts d’œuvres d’art, on a l’impression on vient de partout entendre certains interprètes (Heinrich Schütz qui séjourna à Venise, Mosto, Merulo, et tant d'autres créateurs de l'effervescente Venise de ces années-là) donner des créations radieuses et innovantes, qui vont marquer l’humanité entière et dont ne connaît malheureusement que certains exemples. Tant de pièces qui n'ont pas été imprimées sont certainement encore en train de dormir dans des rayons ignorés des bibliothèques de certains vieux palais du grand canal...«Si le monde se conserve par l’ordre, et si notre vie n’est autre chose, relativement au corps, que l’harmonie et l’ordre de quatre éléments, notre vie doit se maintenir et se conserver par ce même ordre, et au contraire s’altérer et se dissoudre par l’action inverse de la maladie et de la mort. L’ordre n’a-t-il pas une puissance admirable».

Peintre de génie, musicien, lettré, il fréquenta tout ce que Venise comptait de grands et beaux esprits. Ce qui est fascinant lorsqu’on lit la liste de ses fréquentations vénitiennes, c’est que pas un de ces artistes et de ces intellectuels qui n’ait franchi les siècles pour nous apparaître comme des grands dont on s’inspire encore et qui ne tomberont jamais dans l’oubli : Sansovino l’architecte, Le Cardinal Bembo, le prolixe écrivain Pietro Bacci surnommé l’Arétin, Gabrieli le compositeur…«… Je passe mon temps sans dégoût, parce que je trouve à en occuper toutes les heures avec plaisir. Ainsi, j’ai souvent occasion de causer avec nombre de gens distingués par l’esprit, les mœurs, les goûts des lettres, ou par un talent supérieur. Si leur conversation me manque, je lis quelque bel ouvrage. Ai-je lu suffisamment, j’écris… Tous mes sens, Dieu merci, sont excellents, et spécialement le goût… Partout je dors du sommeil le plus doux et le plus paisible, sans éprouver la moindre agitation ; aussi mes nuits sont-elles embellies de songes agréables… Enfant de Venise, je lui dois tout l’amour… La sobriété purifie les sens ; elle donne légèreté au corps, vivacité à l’intelligence, ténacité à la mémoire, souplesse aux mouvements, promptitude et régularité à l’action. Par elle, l’âme, comme déchargée de son fardeau terrestre, jouit de la plénitude de la liberté : les esprits se meuvent paisiblement dans les artères ; le sang court dans les veines ; la chaleur, tempérée et douce, produit de doux et tempérés effets, et finalement ces éléments de notre corps conservent avec un ordre admirable une heureuse et bienfaisante harmonie.»
Ces propos semblent bien adaptés à la personnalité du peintre et lorsque
vous regarderez ses toiles la prochaine fois, pensez à ces lignes du philosophe vénitien. Cet homme génial est loin d’avoir l’humeur sombre. Ce n’est pas non plus un artiste maudit obligé de fréquenter bas-fonds ni d’être confronté à la souffrance pour bâtir une œuvre gigantesque. Père de famille attentif, bon ami, le Tintoret trouve dans la musique et dans le chant cet équilibre que certains
appellent un supplément d’âme. L’artiste est honnête homme même à
l’aulne de son rapport à l’argent et à la concurrence. Le Tintoret, une sorte de libéral de la Renaissance mâtiné d’un esthète et d’un ravi ? Voilà bien là le portrait type du vénitien de la grande époque ! L’homme de la Renaissance. Quelle joie il y a à regarder le Tintoret et ses concitoyens sous cet angle que renforceront en les amollissant certes un peu les mœurs du XVIIIe siècle. Voilà la bonne image de Venise : la joie, la connaissance, la sérénité, la force, l’âme et l’esprit, la couleur et la musique... C'est tout cela Venise et l'âme de Venise !
Gérard a dit...
Bravo à vous , et merci pour ce post absolument magnifique , que je recommande à nombre d'entre tous les lecteurs . Vraiment superbe ! Quelle leçon ! Effectivement , l'exposition du Louvre , l'année dernière , sur l'esquisse du " Paradis" , m'a fait découvrir un Robusti lumineux , spatial , cosmique . Ses dessins michelangelesques , leurs contorsions laocooniennes , les fusains rampants . Et aussi une action colorée , élégante mais surtout héliotropique , rugissant sur une palette et sa trame énergétique . Que retint-il , ce descendant d'Alexandrie ? Le pinceau d'Apelle ou les marbres de Praxitèle ? Leur poésie antique ? Mystère ! Quelle force ! Surtout celle que retiennent toutes ces vieilles villes endormies . Si chères à nos cœurs . Envoyé
le 30 mai, 2007