VENISE, UN LIEU MA ANCHE UN VIAGGIO NELL'EUROPA CHE MI PIACE NOT THE ONE OF THE GLOBALIZATION, MAIS CELLE DES NATIONS, DES PEUPLES, DES CULTURES, PATRIA DELLA DEMOCRAZIA DELLA FILOSOFIA DELLA STORIA LA REINE DES VILLES AU SEIN DE L'EUROPE, REINE DU MONDE
03 juin 2007
Scènes de la vie ordinaire
01 juin 2007
Venise au quotidien
31 mai 2007
Journal de Venise, 1985
Qui disait justement qu'on ne peut plus écrire sur Venise. Peut-être simplement parce que Venise est tellement liée à ma vie, tellement mêlée à mes sens, mes souvenirs, mes idées, mes désirs que parler d’elle c’est expliquer – aux autres comme à moi-même – ce que je suis vraiment. Ce que je pense et ce qui me fait vivre… Lourde tâche. Rester sobre et pudique. On me reproche déjà souvent cet étalage d’indiscrétions sur ma vie intime, sur les miens…
Une de mes cousines me disait il y a quelques jours combien elle trouvait cela impudique et vain. Elle a peut-être raison. Cependant les courriers que je reçois semblent prouver au contraire que ce travail a tout de même une certaine utilité, puisqu’il plait à mes lecteurs. Allez, j’en rajoute une couche, quitte à déplaire à ma chère cousine : je viens de relire quelques pages de mon journal de jeunesse. Premier trimestre 1985. J’étais totalement sous influence : Montherlant, Matzneff, mais aussi Mauriac et Huguenin … Je découvrais la liberté, la solitude, l'exil mais aussi le bonheur de vivre à Venise.
Jeudi 7 févrierJe commence le volume du journal de Matzneff.
Page 57, cette belle description : "Outre la patrie où le destin nous fait naître, il y a la patrie d’élection, qui est celle que nous choisissons. Pour nous les décadents, les rebelles, qui nous sentons en marge du monde moderne, cette patrie ne peut être que Venise. Venise est une ville pour vivre la « vie inimitable » ; mais aussi une ville pour mourir…"
[...]
Venise est ce qui reste du grand rêve byzantin. Ceux qui foulent ses pavés chaque jour se rendent-ils compte qu'ils posent leurs pieds sur les vestiges d'une gloire universelle ?[...]
Demain rencontre avec Hugo Pratt, le voyageur bienveillant.
Vendredi 8 février
Rencontre avec Hugo Pratt ce matin,à la Bevilacqua la Masa, place Saint Marc. Interview réussie je crois. Personnage sympathique, bienveillant. Les yeux bleus, le sourire affable. Rien à voir avec le rictus faux et commercial du galeriste G. pour qui je travaille. Long moment hors du temps et du monde avec le père de Corto Maltese. Passionnant.
Le carnaval commence demain.
[...]
Renvoyé de la galerie. Me voilà libre enfin. Mais dès le 1er avril, il me faudra trouver au autre appartement. Dachine Rainer, très gentille, cherche à m’aider. Je lis sa pièce "copper coloured" et quelques notes de son futur journal de Venise dont elle me demande de corriger les noms italiens qu’elle a tendance à confondre ou à écorcher. J’aime ce travail de relecture. Une modeste participation à l’acte créateur d’un autre. Un apprentissage.
Dimanche 10
Il fait froid mais très beau aujourd’hui. La ville est en liesse. Quel ennui que ce carnaval qui perturbe tout et amène une foule de personnages bruyants et excités.
"Prendre une décision, c’est rajeunir de dix ans", dit Matzneff. C’est pour cela que je me sens aussi guilleret ce matin. J'ai quitté Graziussi qui finalement aurait aimé me garder dans sa galerie, et je vais changer d’appartement. Parviz doit quitter celui qu’il occupe avec Bijan à Dorsoduro. J’irai m’y installer. Ça y est, j'ai les clés de l'appartement des persans. Calle Navarro, près du petit marchand de fruits. Nous allons être bien Rosa la chatte et moi. Ma table à écrire sera devant la fenêtre, au-dessus des toits !
[...]
[...]
Vivaldi, le film
Il fallait bien que cela arrive un jour. La musique de Vivaldi, les merveilleux décors naturels qu'offre Venise et tous les clichés (devenus lieux communs universels)
sur les masques, le carnaval qui durait six mois, l’Église revêche et
inculte avec son inquisition redoutable, les courtisanes et les
intrigants, les amours faciles, Casanova et le Marquis de Sade... Tout cela devait nous être servi après avoir été dépoussiéré comme Mademoiselle Coppola tenta de le faire avec son ridicule "Marie-Antoinette"
sur fonds de musique rock. Ici, le fonds sonore est plaisant puisqu'il
s'agit presque exclusivement de la musique du prêtre roux (et au demeurant dans une interprétation de qualité).
Mais le scénario prend beaucoup de libertés avec la réalité, le
contexte de l'époque, renforçant, sans le vouloir certainement, la
vision erronée et superficielle que le monde a de la Venise du XVIIIe
siècle...Cinéphages, cinéphiles, aspirants cinéastes du monde entier, la Mecque cinématographique se situe désormais à Saint-Médard-en-Jalles. C’est dans cette petite ville au cœur de la Gironde que se trouve l’unique salle qui diffuse Antonio Vivaldi, un prince à Venise.Immense nanar qui défie tous les superlatifs de nullité, ce Vivaldi n’est pas près d’être oublié pour quiconque aura eu la chance (si, si, c’est une chance à ce niveau là d’incompétences) de le voir. Réinventant durant une heure et demi le dicton « incroyable mais vrai », le film de Jean-Louis Guillermou offre l’immense privilège de découvrir ce que Amadeus aurait pu donner s’il avait été tourné avec un budget de deux francs six sous par un cinéaste porno bourré dirigeant une brochette de « comédiens » sous cocaïne. Les moments de se tordre de rire (si on décide de prendre le bon côté de la chose, l’autre étant bien évidemment de s’enfuir de la salle au plus vite) sont ainsi légions.Entre les délires de cadrage où l’on ne voit même pas l’acteur qui parle et où l’on découvre que Venise au 17ème siècle était déjà équipée en antennes télé, la pauvreté des décors (ah la cave familiale où Vivaldi fait toutes ses réunions) ou de la reconstitution historique (le souper royal façon Les Bidochons au camping), le vide sidéral de sens des dialogues assénés à répétition (cinq fois la même situation en un quart-d’heure) et le jeu ahurissant de comédiens littéralement fous (Galabru jouant le pape comme il jouait les gendarmes, Serrault pétant une diurite et se lançant dans un numéro de trompettiste à faire pâlir Charlie Parker, Stefano Dionisi en Vivaldi donnant à tous les Rocco Siffredi du monde le droit de recevoir automatiquement un Prix d’interprétation dans les festivals du monde entier), Antonio Vivaldi, un prince à Venise est une « perle » cinématographique, un événement comme on n’en voit qu’une fois dans une vie consacrée à arpenter les salles obscures.Direction Saint-Médard-en-Jalles ?
30 mai 2007
29 mai 2007
L'insolite a pignon sur canal à Venise.
Quand à Venise, les pianos voyagent au fil de l'eau, la musique pourrait-elle se faire ici autrement que limpide ?28 mai 2007
La maison du Tintoret sur la Fondamenta dei Mori
Au numéro 3399, sestiere di Canareggio. C'est là que Jacopo Robusti, dit Le Tintoret s'éteindra, entouré de sa famille et de ses amis, en 1594. Le palazzino est situé non loin du très beau palazzo dei camelli dont je vous reparlerai et juste à côté des fameux mori, ces statues encastrées dans le mur voisin sur l'origine et l'histoire desquels personne n'est d'accord.
Photo de © Jas - Le Campiello - Tous Droits Réservés
Les Noces de Canaa de Veronese, 210 ans après : enfin le retour
Après 210 ans d'absence, les Noces de Canaa vont retrouver leur emplacement original dans le magnifique bâtiment construit par Palladio dans l'île de San Giorgio Maggiore grâce à un véritable "second original", en fait un fac-similé à l'échelle 1:1, qui a pu être réalisé grâce à une technique de reproduction très sophistiquée encore
jamais utilisée pour une oeuvre de cette taille. Tous les éléments de
l'original sont ainsi reconstitués, non seulement les traits, les
contours dessinés, les traces de pinceau, les ajouts de couleurs, les
aplats de base, jusqu'aux imperfections de la toile et les traces
d'usure du temps. Mais en plus, il sera possible de voir tout ce que les
aménagements iconoclastes des premières années du XXe siècle avaient camouflé.Le fac-similé est réalisé avec la technologie développée par Adam Lowe, artiste britannique et fondateur de l'Atelier Factum Arte, laboratoire à l'avant-garde de la reconstruction et de la reproduction des oeuvres d'art.
Ce projet, commente avec emphase le communiqué de presse, représente un véritable défi à la théorie de la décadence de l'aura : en créant une copie physiquement et esthétiquement parfaite de l'original, et en la replaçant dans le lieu exact pour lequel cet original a été conçu “en concordance totale" entre Veronese et Palladio, il s'agit pour les commanditaires d'une intervention de restauration globale du site monumental de San Giorgio Maggiore.
Cette
opération remplit un objectif spécifique qui est de rétablir
l'équilibre esthétique originel en vertu duquel le prodige artistique
réalisé par le tandem Palladio-Veronese devient pleinement compréhensible. Le projet, en collaboration avec le Musée du Louvre a pu voir le jour grâce au soutien de l'Enel, San Pellegrino, du Consorzio Venezia Nuova, de la Fondazione Banco di Sicilia, et du Casino de Venise. Tramezzinimag y sera et nous ne manquerons pas de détailler l'évènement.
Promenade en dialecte
C'est vrai qu'il existe dans le Veneto des groupuscules autonomistes très vindicatifs qui utilisent la langue vénète (il y a de nombreuses variantes dans tout l’arrière-pays vénitien)
dans un but pas très avouable. La promotion qu'ils en font est truffée
d'arrières-pensées dangereuses pour l’unité nationale dont la naissance
fut pourtant vécue dans l'euphorie et l'enthousiasme par les vénitiens
du XIXe... en dialecte !
« Oii ! ».Tout le monde l’utilise à Venise. Depuis le gondolier qui lance ce cri à l’angle d’un canal pour signaler sa présence (la variante est "Aooe !")
à la personne qui veut vous faire une farce, saluer un ami croisé dans
une calle ou quelqu’un qui s’énerve. Aucune traduction de cette
onomatopée ne s’impose.« Mongoeo ».
Littéralement "mongolien". On dit parfois que l’expression date de l’époque de Marco Polo quand on parlait pour la première fois de ces peuplades de Mongolie très différentes des vénitiens. Mais cette explication me paraît fumeuse… Vous l’entendrez au même titre que le fameux "deficiente" italien prononcé par quelqu’un en colère, hors de lui.
« Ma no ti gà na casa cio ?! »Phrase très utilisée à Venise où le problème de l’habitat est récurrent depuis plus de cent ans. Littéralement "Mais tu n’as pas de maison où aller ?". Ce "tu es à la rue ou quoi ?"
sert à exprimer la désapprobation, la surprise quand l’autre ne
comprend pas ce qu’on attend de lui, quand un chaland ne veut pas payer
le prix proposé par le marchand ou semble étonné de la somme demandée.
On l’entend aujourd’hui dans les stades quand il s’agit de tancer les
supporteurs de l’équipe adverse…« Ti xè forà come un balcon ».
"Tu es dehors comme un balcon" pour signifier que vous n’avez pas tous vos esprits, que ce vous exprimez est absurde et ridicule. On pourrait traduire par "Ou as-tu la tête" mais selon le contexte, d’autres significations apparaissent.
Revenons aux injures et autres imprécations dont les vénitiens sont friands. Pas un jour sans qu’une altercation anime le trafic sur le grand canal devant le marché, à la gare ou dans la foule des environs de la Piazza. Certains trouvent vulgaires ces expressions. Elles font partie du paysage sonore de la ville, au même titre que les cloches des églises, le clapotis de l’eau des canaux, la sirène des ambulances ou des pompiers.
« Chei cani dei to morti ».Avec ses variantes : "I to morti" (la forme la plus simple et directe), "Varemengo ti ta morti" (sophistiqué), "Va in boca de tuti i to morti" (la plus violente). Expression assez redoutable qu’on pourrait traduire par "au diable les tiens", "famille de moins que rien". Mais le sens demeure bien plus dur et définitif en vénitien.
« Va in cùeo da to mare ».Parole des plus répandue, certainement la plus utilisée, qui se rapproche du "nique ta mère" de nos banlieues et des cours de collège. Version plus simple : "Va in cùeo" équivalent du "va te faire voir" (traduction expurgée pour les oreilles chastes !).
« Casso ».Très
répandu aussi chez les jeunes, les gondoliers et tout le petit peuple
des tavernes depuis toujours. Littéralement "bite", équivalent de notre
"couillon" ou "merde". A la fin d’une phrase, l’expression sert à
renforcer ce qui a été dit. A Bègles, près de Bordeaux on rajoute (avec l’accent) un "cong" significatif. C'est en plus grossier le "peuchère" des marseillais. Les titis parisiens diront "putain".« Col casso ».Là le même mot aura un autre sens, il est plus interrogatif, dubitatif "non, c’est pas vrai", "j’y crois pas", "tu es sérieux ?" mettant en doute les surprenantes allégations de votre interlocuteur. cela peut aussi signifiait un "t'es pas cap" de mise au défi. Toujours très employé.
27 mai 2007
Tintoret, le favori de la nature
«Tel
un grain de poivre qui recouvre, assomme et vaut l’arôme de dix bottes
de pavots, c’est ainsi que vous êtes, vous qui êtes du même sang que les
Muses. Bien que né depuis peu, vous êtes pourvu de beaucoup d’esprit et
d’intelligence ; votre barbe est peu fournie mais votre tête est bien
pleine ; votre corps est petit mais votre cœur est grand, bien que jeune
en âge vous êtes mûr en sagesse ; et dans le peu de temps où vous avez
été apprenti, vous avez appris davantage que cent qui sont nés maîtres…»
Il est difficile pour nous qui ne sommes pas de savants historiens d’art, d’imaginer que le travail du Tintoret
ait pu être considéré comme moderne. Innovant. Il est vieux pour nous
de quatre siècles, mais avez-vous déjà réfléchi à cette idée : cette
peinture qui est pour nous aujourd’hui un trésor classique,
chef d’œuvre appartenant à la culture commune de notre humanité, a été
un jour une création contemporaine, une oeuvre totalement innovante...
Contemplée pour la première fois par les vénitiens ces toiles si
célèbres aujourd’hui ont pu choquer, déplaire mais aussi plaire jusqu'au
délire, emballer les regards ouverts et branchés de l’époque. C’est exactement ce que décrit Andrea Calmo dans sa fameuse lettre : «... Parmi ceux qui chevauchent le Pégase de l’art moderne, il n’en est pas de plus habile que vous dans la représentation des gestes, attitudes, poses majestueuses, raccourcis, profils, ombres, lointains, perspectives. On peut bien dire, en somme, que si vous aviez autant de mains que de qualités de cœur et d’esprit, il n’y aurait pas de chose que vous ne puissiez faire, aussi difficile fut-elle. Vous m’êtes bien cher, oh mon frère, je le jure par le sang des moustiques, car vous êtes ennemi de la paresse : vous passez votre vie partagé entre l’accroissement de votre gloire, la restauration de vos forces physiques et l’édification de votre esprit. Cela s’appelle travailler pour en tirer bénéfice et gloire,manger pour vivre et ne pas dépérir, et faire de la musique et chanter pour ne pas devenir fou comme certains qui s’adonnent tant à leur art qu’ils en perdent d’un coup la raison et leur tête…».
Où est-il le "Séquestré" inquiet dont parle Sartre
? Cet homme plein de talents débordant de vie, allait vite. Trop vite
pour certains, depuis le divin Arétin qui pourtant n’eut pas à se
plaindre de la vélocité et du talent du Tintoret, puisqu’il lui commanda la décoration des parois et des plafonds de son palais du Rialto ; trop vite depuis les commentaires de Vasari qui ne comprenait pas toujours tout, engoncé par les préjugés communs aux hommes de son époque. Mais cette vivacité plaisait à Rubens, à Rembrandt comme elle plaira plus tard à Fragonard, à Delacroix, à Manet, à Cézanne, à Nicolas de Staël aussi.C’est un homme moderne, ouvert, impétueux et déterminé. Il aime lire
les philosophes autant que les auteurs satiriques. Il fait de la musique, sait chanter et écrire. Il composa quelques dialogues comiques pour ses amis de la compagnie de la Calza, cette troupe de comédiens amateurs tous patriciens ou riches marchands qui s’organisèrent très tôt en compagnies et qu’on reconnaissait à leur tenue - des sortes de pantalons (les calze) rayés ou faits de pièces multicolores comme la tenue d’Arlequin .
Car peut-être ne le saviez-vous pas, mais en homme de son temps, le fils du teinturier est très cultivé. Dans sa lettre, Andrea confirme la grande sensibilité de Robusti,son goût démesuré pour la musique et son oreille. C’est la grande époque de la musique à Venise. Nombreux sont les salons où on se retrouve pour jouer entre amis. Chaque église, chaque confrérie a son orchestre, son chœur et si les murs de Venise sont couverts d’œuvres d’art, on a l’impression on vient de partout entendre certains interprètes (Heinrich Schütz qui séjourna à Venise, Mosto, Merulo, et tant d'autres créateurs de l'effervescente Venise de ces années-là) donner des créations radieuses et innovantes, qui vont marquer l’humanité entière et dont ne connaît malheureusement que certains exemples. Tant de pièces qui n'ont pas été imprimées sont certainement encore en train de dormir dans des rayons ignorés des bibliothèques de certains vieux palais du grand canal...Le peintre était avant tout vénitien. Et comme tout vénitien, il était ce mélange de raffinement, de grâce et d’épaisseur (car on ne peut jamais de parler de lourdeur quand on s’intéresse aux qualités artistiques des vénitiens). Dans un texte fort bien documenté qui part de la lettre de Calmo, Lionel Dax, que je salue au passage, explique combien le c'était un homme de la Renaissance : Outre la sensibilité artistique très aiguisée dont je parlais plus haut, il souligne combien le peintre menait une "vita sobria", à l’instar des idées humanistes, comme l'exprima dans ses écrits, le philosophe vénitien Alvise Cornaro, que fréquenta le peintre et dont il fit un portrait conservé aujourd’hui au Palais Pitti à Florence. Cette vie saine et tempérée n’avait rien à voir avec une ascèse dictée par une morale étroite ou desdogmes spitituels imposés. Il s’agissait bien plutôt de l’état d’esprit d’une homme sain qui avait su retrouver avec naturel les préceptes de la sagesse antique.
«Si le monde se conserve par l’ordre, et si notre vie n’est autre chose, relativement au corps, que l’harmonie et l’ordre de quatre éléments, notre vie doit se maintenir et se conserver par ce même ordre, et au contraire s’altérer et se dissoudre par l’action inverse de la maladie et de la mort. L’ordre n’a-t-il pas une puissance admirable».

Peintre de génie, musicien, lettré, il fréquenta tout ce que Venise comptait de grands et beaux esprits. Ce qui est fascinant lorsqu’on lit la liste de ses fréquentations vénitiennes, c’est que pas un de ces artistes et de ces intellectuels qui n’ait franchi les siècles pour nous apparaître comme des grands dont on s’inspire encore et qui ne tomberont jamais dans l’oubli : Sansovino l’architecte, Le Cardinal Bembo, le prolixe écrivain Pietro Bacci surnommé l’Arétin, Gabrieli le compositeur…Je sais qu’il ne faut pas faire long sur internet, mais je ne résiste pas au plaisir de vous présenter ce texte de Cornaro que cite Lionel Dax dans son travail sur Tintoret que je rejoins totalement. En voici des extraits qui à eux seuls expriment la raison du bonheur qu’il y a à vivre à Venise. XVIe ou XXIe siècle, l’idée est la même et le plaisir aussi doux :
«… Je passe mon temps sans dégoût, parce que je trouve à en occuper toutes les heures avec plaisir. Ainsi, j’ai souvent occasion de causer avec nombre de gens distingués par l’esprit, les mœurs, les goûts des lettres, ou par un talent supérieur. Si leur conversation me manque, je lis quelque bel ouvrage. Ai-je lu suffisamment, j’écris… Tous mes sens, Dieu merci, sont excellents, et spécialement le goût… Partout je dors du sommeil le plus doux et le plus paisible, sans éprouver la moindre agitation ; aussi mes nuits sont-elles embellies de songes agréables… Enfant de Venise, je lui dois tout l’amour… La sobriété purifie les sens ; elle donne légèreté au corps, vivacité à l’intelligence, ténacité à la mémoire, souplesse aux mouvements, promptitude et régularité à l’action. Par elle, l’âme, comme déchargée de son fardeau terrestre, jouit de la plénitude de la liberté : les esprits se meuvent paisiblement dans les artères ; le sang court dans les veines ; la chaleur, tempérée et douce, produit de doux et tempérés effets, et finalement ces éléments de notre corps conservent avec un ordre admirable une heureuse et bienfaisante harmonie.»
Ces propos semblent bien adaptés à la personnalité du peintre et lorsque
vous regarderez ses toiles la prochaine fois, pensez à ces lignes du philosophe vénitien. Cet homme génial est loin d’avoir l’humeur sombre. Ce n’est pas non plus un artiste maudit obligé de fréquenter bas-fonds ni d’être confronté à la souffrance pour bâtir une œuvre gigantesque. Père de famille attentif, bon ami, le Tintoret trouve dans la musique et dans le chant cet équilibre que certains
appellent un supplément d’âme. L’artiste est honnête homme même à
l’aulne de son rapport à l’argent et à la concurrence. Le Tintoret, une sorte de libéral de la Renaissance mâtiné d’un esthète et d’un ravi ? Voilà bien là le portrait type du vénitien de la grande époque ! L’homme de la Renaissance. Quelle joie il y a à regarder le Tintoret et ses concitoyens sous cet angle que renforceront en les amollissant certes un peu les mœurs du XVIIIe siècle. Voilà la bonne image de Venise : la joie, la connaissance, la sérénité, la force, l’âme et l’esprit, la couleur et la musique... C'est tout cela Venise et l'âme de Venise !
1 commentaire :
Gérard a dit...
Bravo à vous , et merci pour ce post absolument magnifique , que je recommande à nombre d'entre tous les lecteurs . Vraiment superbe ! Quelle leçon ! Effectivement , l'exposition du Louvre , l'année dernière , sur l'esquisse du " Paradis" , m'a fait découvrir un Robusti lumineux , spatial , cosmique . Ses dessins michelangelesques , leurs contorsions laocooniennes , les fusains rampants . Et aussi une action colorée , élégante mais surtout héliotropique , rugissant sur une palette et sa trame énergétique . Que retint-il , ce descendant d'Alexandrie ? Le pinceau d'Apelle ou les marbres de Praxitèle ? Leur poésie antique ? Mystère ! Quelle force ! Surtout celle que retiennent toutes ces vieilles villes endormies . Si chères à nos cœurs . Envoyé
le 30 mai, 2007
26 mai 2007
Quando piove...
25 mai 2007
Aimez-vous Tintoret ?
Artiste prolixe et somptueux, Jacoppo Robusti dit le Tintoret est souvent mal perçu, mal connu. La plupart des historiens de l'art et les critiques lui préfèrent Titien ou Véronèse.
Pourquoi cet ostrascisme ? Serait-il ce peintre tourmenté que les
exégètes ont bien voulu nous vendre depuis des générations ? Le reclus,
le travailleur acharné, le "Séquestré de Venise" dont Sartre.
a presque tiré un sujet de roman... Pourquoi le rire, le jeu, la
musique et la passion de peindre ne seraient-ils pas compatibles ?
Aujourd'hui, ses œuvres n'intéressent pas grand monde. Il semble que le
jugement initial de Vasari, celui d'en faire un peintre frivole et incomplet soit encore de rigueur. "Vous êtes trop rapide" Lui disait l'Arétin
dont il décora le palais et peint le portrait. Un peu comme l'Empereur
d'Autriche trouvait qu'il y avait trop de notes dans la musique de Mozart. Mais nous allons reparler de ce vénitien pur sang. Il est passionnant et son oeuvre simplement géniale. A l'égal de celle de Michel-Ange dont il s'inspira.1 commentaire:
- Gérard a dit…
-
Pierre Boulez - grand Maître s'il en est un - écrivit un livre sur Igor
Stravinsky , précisant les détails du " Sacre " avec des formules de ce
type :
" Ici , il a voulu dire ceci ; là , il a voulu dire .... , etc , ... "
La réponse vint de Stravinsky lui-même , et cette fois dite de vive voix à Michel Legrand :
" Mon p'tit , quand on est un grand créateur , on ne sait jamais ce que l'on fait !
Laissons aller ! "
Quelle véracité , cette réponse magique du prince Igor !
C'était hier matin , Radio-Classique , 3 heures d'interview exceptionnelle du fabuleux Michel Legrand , élève de l'intraitable et parfois très cruelle Nadia Boulanger .
Reich disait que la musique et la peinture sauvaient l'Homme .
C'est vrai .
Tintoret , le grand inspiré irradiant , d'une certaine façon , un peu comme Igor Stravinsky , possède encore aujourd'hui , et à l'égal de ces si grands autres Vénitiens , cette forme d'Immortalité qui vient nous sauver .
Cherchons ce Paradis !
Trouvons ce Paradis !
Là-bas , à Venise !
Et pourtant , mon chagrin est sans fond .
Sans fond !
- 26 mai, 2007
24 mai 2007
Ça vous dirait de devenir propriétaire d'une île sur la Lagune ?
Non, vous ne rêvez pas - ou plutôt si, vous pouvez rêver car cela fait envie -, une agence immobilière vend en ce moment une île des environs de Venise.
Ce
sera certainement une résidence hôtelière de luxe à moins qu'un
milliardaire russe n'ait l'idée d'en faire son palais des mille et une
nuits à grand renfort de dollars... 22 mai 2007
Un grand monsieur

L'entretien
avait difficilement commencé. J'étais intimidé, hésitant, maladroit. Il
s'impatientait. Puis le courant a fini par passer et une fois lancé,
plus rien ne semblait pouvoir l'arrêter. Ce fut passionnant. A plusieurs
reprises la porte s'était ouverte, l'attachée de presse rappelait les
autre rendez-vous. d'autres journalistes piaffaient dans l'entrée. Il la
renvoyait avec un sourire : "Je parle de la France, ils peuvent attendre" me dit-il, royal.
____________
2 commentaires:
- Delphine R2M a dit…
-
Quelle rencontre merveilleuse cela a du être!
- 28 mai, 2007
- Lorenzo a dit…
-
Oui en effet. Un personnage. En partant, il me donna le catalogue de
l'exposition que j'ai toujours. Il avait simplement dessiné sur la page
de garde à côté d'un mot amical et de sa signature, une petite
mouette...
- 30 mai, 2007
Le canal au bout de la calle Navarro
J'habitais au dernier étage d'une vieille maison de brique, calle
Navarro, au bout de la ruelle, ce petit canal et de l'autre côté, la
maison du peinte Bacci-Baïk, de son épouse Denise et
de leur fils qui a repris la galerie de son père. Denise, comme toutes
les anglaises avait la passion des plantes et elle passait son temps à
faire de nouvelles plantations. Sur la gauche, du côté du canal où je
vivais, il y a le petit campo où Bobbo Ferruzzi et sa femme Hélène ont leur maison, juste avant le chemin qui mène aux Zattere...










