"Canaletto et Guardi, les deux maîtres de Venise", c'est le titre de l'exposition que vous pourrez voir jusqu'au 14 janvier prochain, une exposition orchestrée et dirigée par Bozena Anna Kowalczyk, qui vit justement à Venise et qui a bien voulu accepter de me guider dans cet aller-retour entre la Venise du 18 ème siècle et celle d'aujourd'hui. C'est dans cette grande promenade à la rencontre des peintures de Canaletto et de Guardi que j'aimerais donc vous inviter tout au long de cette lettre vénitienne qui accueillera également Anna Lisa Scarpa, commissaire de l'exposition "Canaletto à Venise" au Musée Maillol, que vous pourrez voir jusqu'au 10 février, et Roger de Montebello, un merveilleux artiste qui allie les points les plus emblématiques de Venise, comme la Pointe de la Douane( La Dogana), près de l'église de la Salute, aux symboles les plus contemporains, l'ordinateur par exemple, et qui par un tour de passe-passe les métamorphose en une peinture presque métaphysique, dans la lignée de Guardi ou bien plus tard dans celle de Chirico. C'est de son atelier donnant sur le Grand Canal que j'ai pu retrouver les couleurs intactes de l'eau, du ciel, des reflets, des palais, tels que les avait rendus Canaletto.
Venise, ville-miroir et ville intérieure, ville magnétique et secrète, mais aussi joyeuse, festive, musicale, qui vous conduira sur la Place St-Marc, à la Salute, à la Dogana, sur les Zattere, sur le Canal de la Fenice, là où l'on retrouve les gestes mélodiques des gondoliers, ceux-là même qui scandent les tableaux des vedutistes (peu importe si leurs chants sont aujourd'hui souvent napolitains). Mais cette lettre vous conduira également dans le quartier de Castello, jusque dans l'île de San Pietro, sur les lieux d'un tableau de nuit de Canaletto : une fête, juste devant l'église de San Pietro...."
VENISE,UN LIEU MA ANCHE UN VIAGGIO NELL'EUROPA CHE MI PIACE NOT THE ONE OF THE GLOBALIZATION MAIS CELLE DES NATIONS DES PEUPLES DES CULTURES, PATRIA DELLA DEMOCRAZIA DELLA FILOSOFIA DELLA STORIA LA REINE DES VILLES AU SEIN DE L'EUROPE REINE DU MONDE
08 décembre 2012
COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 32) : Colette Fellous vous emmène à Venise : Passez un weekend à Venise sur France Culture
06 décembre 2012
Un matin en hiver
Paradoxalement, ce temps me donne une énergie que les derniers jours de pluie avaient totalement anéantie. Lever avec le jour donc ce matin, et Vivaldi en fonds sonore. Thé bouillant et galettes irlandaises. Il faudra ouvrir un nouveau pot de gelée de coings. Par la fenêtre entrouverte, une odeur de café grillé, le silence de la rue, une cloche qui sonne au loin. Des passants qui parlent, des bruits de pas. Mais où suis-je ?
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Non, ce n'est pas Venise. Hélas. Pas encore. Je suis à Bordeaux, dans la brume. Beaucoup trop de choses à faire et pas assez de moyens pour partir et partir longtemps comme j'aurai aimé le faire. J'écris tellement mieux et plus vite quand je suis là-bas. Bordeaux seulement, plongé dans le silence un jeudi matin... Une panne bloquant le tramway qui passe à deux pas, sur les quais a eut totalement raison de la circulation automobile dans la rue. Des deux côtés la police a mis en place des barrières, barrant les rues adjacentes avec ses voitures. En dix minutes tout le trafic a été détourné et, pour mon plus grand bonheur - celui du chat aussi qui s'est assis sur le rebord d'une fenêtre en dépit de la fraîcheur matinale - il n'y a plus un seul bruit mécanique. Seuls les vélos circulent. Les chiens ravis promènent leurs maîtres au milieu de la voie. Des enfants qui vont à l'école jouent là où d'habitude des files de voitures polluent l'atmosphère et nos oreilles. L'air parait aussi pur que sur un chemin de montagne. Le brouillard donne à ces lieux si quelconques une atmosphère théâtrale. On attend que quelqu'un en coulisse frappe les trois coups magiques. Vivaldi toujours, et la bouilloire qui siffle, la bonne odeur des galettes... La vie est faite de ces petites joies tranquilles.
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Vous l'aurez deviné, chers lecteurs, égoïstement, j'aime quand le tramway est en panne. Cela n'arrive plus très souvent et c'est hélas la plupart du temps suite à un accident, mais les difficultés qu'il y a à le remettre en route permettent ce genre d'accalmies pendant lesquelles le monde moderne hystérique et bruyant se tait et cède la place à une autre réalité. Plus humaine, plus paisible. On pourrait se croire sur les bords de la lagune, c'est vrai,. Le chat l'a pensé très fort qui attend que je l'y conduise pour y finir ses jours dans la sérénité d'un campo éloigné. Entendre le pas des gens sur les dalles du trottoir, les cloches qui se répondent, les oiseaux dans les arbres de l'avenue... Un bonheur.
30 novembre 2012
Italia in Corto, un nouveau festival est né
28 novembre 2012
Petite devinette musicale
26 novembre 2012
Carlo et Tobia Scarpa, un père et un fils remplis de talents
Depuis quelques années, le merveilleux petit Musée des Arts Décoratifs de Bordeaux s'est ouvert au design et à la création décorative contemporaine. On se souvient surement des belles expositions du Groupe Memphis, de celles de Martine Bedin, Sylvain Dubuisson, Jasper Morrison et Michele De Lucchi, initiées par Jacqueline du Pasquier, la conservatrice d'alors, qui sut si bien réveiller ce beau petit palais endormi. Poursuivant sa politique d’ouverture au design, le musée accueille une passionnante depuis le début de l'été, une exposition du travail des vénitiens Carlo et Tobia Scarpa.
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Carlo Scarpa (né à Venise en 1906 et mort à Sendai au Japon en 1978) est un des plus grands architectes contemporains. Sa vision de l'architecture - toujours considérer qu’un bâtiment idéal doit réconcilier la nouveauté et la tradition et servir à mettre en valeur les objets du mobilier qu’il aimait dessiner -. L'architecture et le design formant un tout dans son travail, il reste aujourd'hui encore, comme Le Corbusier, un modèle pour les jeunes générations d'architectes. Son fils, Tobia, né en 1935, architecte lui aussi, a collaboré aux nombreux projets de son père, d'abord comme assistant puis en tant qu'associé. En tant que designer, il a travaillé avec Afra Bianci, devenue son épouse, créant de nombreux meubles, des verreries (notamment pour Venini à Murano), tous très beaux objets édités par les plus grandes maisons internationales comme Knoll, Flos, Cittone Oggi, B&B Italia, Molteni, etc.
Le visuel conçu par Tobia pour l’exposition, un double portrait du père et du fils face à face, sous-titré "dialogo sospenso" est révélateur de leur relation sans doute parfois difficile, mais aussi exemplaire. L'exposition présente, à travers ces deux artistes, un siècle d’architecture et de design en Vénétie, s’articulant en deux séquences historiques, la modernité et la contemporanéité.
Le regard et la réflexion que le fils pose sur l’œuvre de son père, rendent l'exposition très intéressante. La Biennale de Venise, en 19 avait présenté une rétrospective du travail de Carlo Scarpa. On connait à Venise sa remarquable intervention sur le réaménagement et la restauration du palazzo Querini-Stampalia. Des années après, son travail n'a pas pris une seule ride. S'il a fallu le détourner au vu d'un nombre de visiteurs toujours plus nombreux (on ne passe plus désormais par le ravissant petit pont très moderne et pourtant totalement vénitien qui enjambait le rio devant le musée et permettait d'accéder directement dans l'attique de béton, de travertin et de brique conçu par Scarpa). Bien d'autres réalisations renforcent à travers le monde le grand talent de cet architecte vénitien, la profondeur de son regard et l'importance de son sens de l'esthétique, autant de qualités qui semblent manquer trop souvent aux architectes français comme aussi hélas aux italiens d'aujourd'hui. Jusqu'au 31 décembre 2012.
Pour ceux que cela intéresse, Carlo Scarpa est à l'affiche d'une leçon d'architecture en avril 2013, à Angers : Renseignements ICI
24 novembre 2012
A Venise, des bonheurs au quotidien
Dans un monde qui bouge plus vite que son ombre, où les repères volent en éclat, il est des détails sans importance qui font du bien. Il suffit de savoir regarder autour de soi, prendre le temps et surtout, se détacher des tensions et des bruits qui saccagent notre tranquillité. Venise en dépit de ses problèmes reste un endroit idéal pour se ressourcer, regonfler ses batteries. L'air, la lumière, les œuvres d'art y sont bien entendu pour beaucoup ; cependant c'est autre chose, qui n'existe dans une autre ville au monde.
Tramezzinimag, vous le savez, y revient souvent : l'absence de voitures et de motos. Les seules roues qui foulent les dalles des rues sont celles des chariots de livraison, des valises trainées par les touristes - ce petit bruit si caractéristique devenu un des sons de la ville presque au même titre que les cloches des campaniles - et les poussettes des mamans. J'allais oublier les chariots à provisions des dames vénitiennes. Pour le reste, à Venise on glisse sur les eaux calmes des canaux, on monte et descend les marches des ponts. La nuit ce ne sont que des bruits de pas qui nous parviennent de la rue. J'essayais d'expliquer cela à des enfants d'un collège qui m'avaient invité pour leur parler de la vie à Venise. La musique de Vivaldi fut un moyen de leur faire comprendre l'incroyable et unique adéquation entre la ville et le rythme que sa topographie impose aux habitants et d'où découlent tous les codes qui permettent depuis des siècles de vivre naturellement dans un lieu qu'on peut qualifier de contre-nature. Pourtant être réveillé par le chant d'une mésange ou par le cri d'un portefaix, ouvrir sa fenêtre et laisser pénétrer dans la chambre le parfum de la mer et la litanie des cloches nous rapproche des sensations merveilleuses d'un matin en bord de mer ou à la campagne.
Dehors, sur le grand canal l'animation est à son comble, vaporetti, barques de livraisons, ambulances, gondoles... une foule d'embarcations parcourt la plus belle avenue du monde dans tous les sens. C'est beau ce trafic, ces bruits, ce mouvement comme dans les tableaux de Canaletto ou de Guardi. Partout l'eau scintille comme si des centaines de gemmes de différentes couleurs flottaient à la surface. Une sirène vient troubler l'harmonie des sons qui fait s'envoler une bande de mouettes agacées. Des touristes japonaises toutes excitées photographient un couple de mariés en gondole qui passent devant la Salute. Soudain les cloches sonnent à toute volée. Il est déjà midi. Le soleil se voile en un instant : un navire géant dont la blancheur ne parvient pas à atténuer la laideur, cache un instant la lumière sur la pointe de la douane. Haut de six étages au moins le paquebot s'éloigne dans un nuage de fumée noire et nauséabonde. A bord une foule contemple une dernière fois les façades de la piazzetta, le palais des doges, la Marciana et derrière San Marco. Indifférents, les vénitiens poursuivent leur chemin. C'est l'heure d'une ombra, puis viendra le déjeuner. Donna Leon, un cabas à la main, passe rapidement devant des touristes qui ne la reconnaissent pas. Dans son esprit le commissaire Brunetti a déjà entamé de nouvelles aventures. Un gros chat tigré a l'air réjoui, le dénommé Gastone l'attend au coin de la rue. C'est le chat de ses voisins mais comme tous les chats, il aime bien la compagnie des écrivains.
18 novembre 2012
Toujours ce plaisir des petits riens
Mais notre propos n'est pas de vous entretenir d'habillage publicitaire ni de marketing . Les oasis dont nous parlons sont des lieux qui résistent à ces temps modernes de plus en plus insanes. En voilà un, sorte de diplodocus positionné à quelques encâblures de la Piazza San Marco. C'est une de ces boutiques magiques où l'on trouve de tout et même ce qu'on ne cherchait pas ou plus. Ils étaient nombreux il y a encore une vingtaine d'années ces negozi traditionnels, en Italie comme ailleurs. Ils disparaissent peu à peu. Alors profitons-en, et continuons de préférer le petit commerce du coin de la rue à ces grandes surfaces impersonnelles et agressives dont le déploiement partout n'annonce rien de bon pour notre l'Humanité.
07 novembre 2012
Paquebots géants à Venise : encore et toujours la polémique
© Fausto Maroder - 2012. Tous Droits Réservés. |
02 novembre 2012
COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 31) : L'émission Ports d'Attache montre Venise
Heidi Hollinger
Il s'agit en fait d'un épisode d'une série de documentaires tournés un peu partout dans le monde par TV5 Québec-Canada, autour de la photographe Heidi Hollinger. Chacun de ses déplacements dans une ville portuaire du monde est ainsi filmé par une équipe efficace et très douée, et c'est un bonheur que de suivre la dame dans des lieux aussi différents que Melbourne, Helsinki, La Havane, Marseille ou Valence. Au fil des mois la production a ainsi mis au monde vingt-six épisodes en deux séries qui seront, nous l'espérons, bientôt disponibles en DVD.Ci-dessous la vidéo (merci Daily Motion !)
AnnaLivia a dit…
Oui, j'ai beaucoup aimé. J'aime cette émission en général, notamment l'épisode sur Singapour et sur Malte.
À voir sur YouTube aussi.
Bon weekend Lorenzo!
03 novembre, 2012
C'est bien fait, gentiment fait. Et en plus, l'ingénue de service n'est pas désagréable à regarder. Bon week-end.
03 novembre, 2012
Lorenzo a dit…
Cela change d'une autre (fausse) ingénue insupportable de niaiserie et d'artificielle spontanéité qui "anime" l'émission d'Arte, "Prochain arrêt", la dénommée Emmanuelle Gaume. Une tête à claques. Mais cela n'engage que moi. Heureusement à chaque fois, les intervenants sur place sont bien choisis et les images bien faites, le montage sympathique.La promenade dans Rome a été un vrai plaisir.
03 novembre, 2012
Hélas non AnnaLivia, sauf erreur de ma part, la vidéo n'est plus disponible sur YouTube à ce jour mais seulement sur le site de TV5 Canada.
03 novembre, 2012
Je suis d'accord avec vous Lorenzo, cette présentatrice d'Arte est assez insupportable mais l'émission est en général assez réussie.
03 novembre, 2012
Je vois que les machos se déchaînent sur Tramezzinimag....lol! Ayant le bonheur d'avoir renoncé volontairement, et de plein gré - comme dirait l'autre -à la télé, et sans la connaître, je plaîde pour cette petite Emmanuelle, qui doit bien avoir quelque grâce, Messieurs...hi!hi!hi!
Pas une seule n'en manque, et si ce n'est physique, c'est qu'elle est d'ordre moral, ou spirituel....
04 novembre, 2012
Je viens de regarder à l'instant sur gou-gueule/images....mais Lorenzo et Bernard! elle est très mignonne, cette petite....hi!hi!hi!
04 novembre, 2012
pas de misogynie dans mes propos, juste de l'agacement. Certes la dame est avenante, pétulante et pétillante mais se promener dans les rues de Rome avec elle m'a vite agacé. On lui doit une émission très agréable c'est vrai, mais elle en fait tellement trop que cela en devient antipathique. De mon point de vue en tout cas. C'est une d es conséquences de la lutte pour l'égalité des sexes, les femmes dans un métier d'hommes se croient souvent obligées d'en faire dix fois plus que leurs compères et pensent ainsi compenser une "infériorité" qui n'est que dans la tête des arriérés. Soit un être humain est compétent soit il ne l'est pas. peu importe qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme. Emmanuelle Gaume semble ne pas l'avoir compris. Vue la qualité de son émission, Emmanuelle Gaume est compétente et largement. Pourquoi tout ce cirque qui la rend agaçante pour beaucoup ?
04 novembre, 2012
J'aboutis ici par hasard, très intéressant votre site!
Grand-Langue
04 novembre, 2012
Lorenzo a dit…
Revenez quand vous voulez, ami montérégien et invitez-vous quand bon vous semble, vous êtes le bienvenu parmi les lecteurs de Tramezzinimag ! 04 novembre, 2012
oui je l'ai vu ce reportage, il y a quelques semaines déjà. Très bien fait.
05 novembre, 2012
C'est un des meilleurs documentaires sur Venise - à mon goût - simple, sympathique, réaliste...à revoir si c'est possible.
07 novembre, 2012
Merci de m'avoir fait découvrir ce reportage très bien fait, je l'avais manqué et il aurait été bien dommage de ne pas le voir car c'est bien ainsi que j'ai vu Venise lors de deux séjours à des années d'intervalle.
Merci aussi pour votre site si précieux. Continuez longtemps !
Tatie
08 novembre, 2012
19 octobre 2012
Croquis : de Canaletto à nos jours
« Il y écrit le nom des palais et des échoppes, signale la présence d’un bac ou d’un atelier de réparation de gondoles, ou précise le nombre de fenêtres et de colonnes. Il n’oublie pas non plus de noter les couleurs - marron, blanc, jaune, noir, blanc cassé, rouge, ocre, ocre jaune -, en en précisant la tonalité, claire ou sombre. Les mesures sont elles aussi indiquées : “plus large”, “un peu plus long”, “plus étroit”, “juste”. De même des matériaux (plomb, pierre, brique, bois) et des lieux, et jusqu’aux enseignes.»Ce carnet est aussi un témoignage précieux sur Venise et ses habitants au XVIIIe siècle. Composé de 148 pages, il contient 138 dessins sur un papier épais filigrané. Au XIXe siècle on y ajouté huit pages au début et à la fin lors de la reliure de l'ouvrage. Le sceau qui apparait sur certaines pages est le cachet de Borsato, intendant de la Galerie de l'Accademia. Ce sont avant tout des esquisses documentaires donc et non pas des dessins élaborés destinés au public. C'est ce qui les rend fascinants. Canaletto utilisait un engin appelé camera oscura, boite optique qui lui permettait de relever tous les détails d'un paysage ou d'un bâtiment. Mais tous les dessins contenus dans le carnet n'ont pu être réalisés avec cet ancêtre des appareils photo, notamment les croquis fait depuis une barque, l'appareil pour donner un résultat optimal, nécessitait une stabilité absolue. Mais qu'ils soient à main levés, ou transcription à l'encre de la vue obtenue par le moyen de cet engin, les dessins sont tous très beaux et très émouvants.
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Tramezzinimag reviendra plus en détail ce weekend sur cette exposition Canaletto au Musée Maillol et sur celle du musée Jacquemart-André..
Pour changer (un peu) de registre.
Avis aux lecteurs : Les 15 commentaires qu'avait suscité cet article ont été perdus avec la disparition du blog en août 2016. Aucune raison ne peut être donnée pour expliquer cette suppression diligentée par Google.
18 octobre 2012
Même à Venise, la démocratie se délite ou Le Geste d'Hector
Quand j'ai créé ce blog, au
retour d'un des derniers voyages avec tous mes enfants réunis, les
peuples du continent européen étaient en effervescence. Les élites au
pouvoir voulaient à tout prix nous faire accepter leur idée d'une Europe
technocratique, celle des banques et du profit, une Europe
ultra-libérale. D'instinct les peuples ont dit non pour la plupart, et
leur non a été voué aux gémonies par ces lobbies coupés des réalités et
incapables d'envisager un autre espace de pensée que le cadre dans
lequel leur quotidien à eux évolue. Des années plus tard, il faut être
sacrément bouché et malhonnête pour ne pas reconnaître le flair des
opposants à cette Europe, la catastrophe étalée sur plusieurs années qui
avec l'Euro bouleverse nos sociétés et ruine des millions de gens. En
parallèle, se profile à l'horizon, de moins en moins cachée, une
tendance autoritariste qui ne laisse présager rien de bon. De là à dire
que nos démocraties sont sous surveillance et artificielles, il y a un
pas que Tramezzinimag ne saurait franchir. Cependant... Mais laissez-moi
vous conter cette petite histoire vénitienne (véridique) à titre
d'exemple.
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Un policier s'était même permis, peu avant l'arrivée des officiels, de prendre à partie la libraire qui était en train de placarder avec application des tracts sur la vitrine. Rien de bien méchant ni de dangereux pour les institutions. Acte militant accompli en toute liberté et sans atteinte à la loi... Comme elle refusait d’obtempérer, il lui ordonna de le suivre. Ce qu'elle refusa de faire... Quelques minutes plus tard, un policier en civil vint pour excuser ce policier trop zélé. Excuses acceptées. Après tout, on sentait une vraie tension chez les forces de l'ordre, l'homme avait seulement voulu faire son travail...
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Un peu plus loin sur la campo San Bartolomeo, plusieurs centaines d'étudiants manifestaient. Sur la vitrines des banques, des affichettes « No Banks ». Soudain ce fut la bagarre. Des projectiles lancés sur les policiers décidèrent de l'assaut. Venise rejouait les barricades du Quartier Latin en 68. Inattendu. Ce fut assez violent. Surréaliste toujours. Quelle histoire. Pendant ce temps, les invités écoutaient le recteur de l'Université et le ministre. Les alentours étaient bouclés, le quartier transformé en camp retranché !
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Dans la soirée, après que le cortège des officiels se soit dispersé, le policier en civil revint à la librairie. Il s'adressa à la libraire :
- Comment ça va ? demanda-t-il.
- J'ai connu des journées meilleures, celle-ci ne fut pas extraordinaire. Pour vous non plus j'imagine.
- C'est clair. Ce fut vraiment lourd. Mais c'est vrai que ces étudiants ont raison finalement et la population aussi. Je n'avais pas compris la teneur de vos tracts. On m'a expliqué. Ce n'est pas possible de donner tout cet argent à ceux qui en ont déjà. les gens ont raison de se mettre en colère», dit le policier. Et il s'éloigna.
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Sur son blog, le libraire conclut le journal du 13 octobre par ces mots « Voilà peut-être la seule justification d'être resté à la librairie même sans un seul client : se dire que l'on a pu ouvrir une brèche...»
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La multiplication des interventions musclées des forces de l'ordre donne à réfléchir. Quand il s'agit de réprimer la délinquance, de mettre fin à des trafics ignobles et à une violence inacceptable, l'imposant corps de la police joue pleinement son rôle. Quand il s'agit juste de défendre une élite de privilégiés qui s'enferre dans ses erreurs et mène les peuples vers le gouffre, d'empêcher les jeunes et la population en général de crier son désarroi et sa colère, il y a un problème. A Venise ce 13 octobre, les étudiants ont mis une fois encore le doigt là où ça fait mal, prouvant s'il en était besoin, combien nos démocraties sont malades.
Le titre fait allusion à l'ouvrage de l'italien Luigi Zoja, « Il gesto di Ettore, preistoria, storia, attualità e scomparsa del padre », (Torino, Editions Bollato Boringhieri, 2001), qu'une cliente de Claudio Moretti était venue lui demander la veille. Allusion à la confusion qui semble se généraliser quant aux rôles dévolus à chacun dans notre société en crise, où la répression prend peu à peu la place du dialogue, où de plus en plus d'incidents révèlent l'inévitable confrontation entre ceux qui subissent les effets de la crise et ceux qui exercent le pouvoir réputé responsable de la situation, incapables de répondre aux attentes des peuples au nom de qui ils sont censés gouverner, confirmant en quelque sorte l'effondrement du rôle et de l'image du père dans notre société, et le désarroi général qui en découle.