Elle
s'ouvre demain pour la 64e fois et fêtera cette année son jubilé : La
célébrissime Mostra del Cinema est avec ses 75 années d'existence le
plus vieux festival au monde consacré au 7e art ! Les festivals de
Cannes, Deauville, Toronto, Sundance ou Berlin sont des benjamins à côté
de la brillante manifestation créée au Lido par le Baron Volpi.
Présidée cette année par le cinéaste chinois Zhang Yimou ("épouses et concubines"), avec comme marraine la splendide Ambra Angiolini (photo ci-contre),
la Mostra accueille comme chaque année une kyrielle d'acteurs et de
metteurs en scène. La France y est traditionnellement bien représentée,
mais le cinéma américain très présent depuis les années 80 sera là aussi
avec Woody Allen notamment (qui présentera hors compétition son nouveau film, "le rêve de Cassandre". Le Lion d'Or est devenu au fil des années une étape obligée vers les Oscars d'Hollywood.
Contrairement
à Cannes, la Mostra reste plus simple. Bonne enfant. Les stars
reconnues et les acteurs inconnus se cotoient au milieu du public et
bien que - époque oblige - les services de sécurité soient omniprésents
et parfois très insistants, il est facile de se promener dans le hall de
l'Excelsior ou au Palais du Festival et de croiser au bar des vedettes.
Les jeunes baigneurs continuent d'aller chaque jour à la chasse aux
autographes sur la plage ou autour de la piscine de l'Excelsior. A mon
époque (j'ai couvert le festival pour le journal Sud Ouest en 1985 et 1986), on pouvait boire un verre avec Depardieu, faire un brin de causette avec Sabine Azéma ou Marie Laforêt, écouter Maurice Pialat débattre avec Antonioni, parler avec Eugène Ionesco soutenu par sa femme qui s'affaissait sur une chaise, croiser Frank Capra et Pontus Hulten à deux pas de la piscine où Monique Lang décidait des interviews qu'accorderait son mari, notre pétulant ministre de la culture qui avait un faible pour Fabienne Babe, jeune débutante à l'époque. Il n'était pas le seul...
Les producteurs américains l'avaient fiancé à Rob Lowe, à moins que ce fut Tom Cruise, qui était plus petit qu'elle et se montrait partout à ses côtés, sauf sur la plage (à cause des talonnettes !). Guillaume Depardieu,
jeune adolescent, s'agaçait quand son père buvait trop et le président
de la Gaumont s'énervait contre son attachée de presse que John Schlesinger consolait. Danièle Mitterand se promenait sur la digue en compagnie d' Agnès Varda, Daniel Toscan du Plantier recevait luxueusement ses hôtes à l'Hôtel des Bains. Je me souviens être rentréce soir-là sans carton d'invitation à la soirée Unifrance avec Fabienne Babe, Agnès Calvy, la fille du consul de France, d'autres (jolies) filles et deux ou trois amis dont Thierry Delettre (aujourd'hui costumier - Van Gogh, Vidocq, le bonheur est dans le pré, c'est lui), par un stratagème souvent imité depuis : Christophe Airaud,
mon ami photographe nous mitraillait pendant que notre groupe
s'avançait comme si de rien n'était... En quelques secondes, (cela ne
loupait jamais en fait), une demi-douzaine de paparazzi firent
comme lui et c'est sous les flashes que nous sommes arrivés au somptueux
buffet d'Unifrance, tout le monde s'écartant pour nous laisser passer !
L'esprit "Dolce vita" venait encore de frapper !
L'année d'après c'était Pontus Hulten qui faisait visiter à François Léotard, nouveau ministre de la Culture l'exposition
sur le futurisme au Palais Grassi. Le ministre nouvellement nommé
s'intéressait appremment davantage aux services d'alarme et d'éclairage
du musée qu'au contenu des vitrines. Son prédécesseur était là aussi et
l'échange avec Hulten
fut d'une autre nature. Disons davantage culturelle... J'avais
d'ailleurs mis au moint un article que le journal refusa : j'avais
interviewé Jack Lang et François Léotard à la même table sur la terrasse de l'Excelsior, l'un après l'autre, de telle sorte que les réponses de l'un se trouvent en parallèle
avec celles de l'autre et mon papier donnait l'impression d'un dialogue
(de sourds) entre deux hommes que tout opposait. Il fut décidé à la
rédaction que je n'étais là que pour le cinéma et pas pour la politique.
Dommage. Vexé (et prétentieux), je n'ai donné au journal aucun article
en 1986. Ce fut la fin de notre collaboration et de ma carrière de
journaliste !
Tout ces "people" que
l'on n'appelait pas encore ainsi vivaient à Venise le plus simplement
possible et nous, les centaines de journalistes accrédités nous glanions
les informations, passions des conférences de presse aux séances de
pose sur la plage, des cocktails dans les jardins de l'Hôtel des Bains
ou sur la terrasse du Danieli. C'était le temps où sur le campo San Polo
les films en compétition étaient présentés en plein air au public
vénitien qui ne se trompait pas souvent et savait faire un triomphe au
film que le jury couronnerait quelques jours plus tard.
A cette
époque, nous dictions nos articles par téléphone à une dactylo de la
rédaction. Pas encore de fax encore moins d'ordinateurs. Il ne manquait
que le chapeau avec l'étiquette presse comme dans les films
américains... La grande salle de presse de l'Excelsior était munie de
grosses machines à écrire manuelles prises d'assaut dès le matin et nous
carburions au café ou au thé (dans les belles tasses blanc et or de la
Ciga Hôtels que certains confrères passaient leur temps à faucher, se
constituant jour après jour un joli service). Nos casiers débordaient de
cartons d'invitations, de communiqués de presse et de dossiers. C'est
ainsi que j'ai eu le bonheur d'assister au repas de presse de la Storia de Comencini en compagnie de Claudia Cardinale et de Lambert Wilson, dans un palais du Grand Canal, ou à celui de Tango de Solanas avec la sublime Marie Laforêt qui m'accorda un long entretien en tête à tête... mon premier interview. Mais laissons-là ces souvenirs d'ancien combattant.
La
Mostra ouvre ses portes demain, le tapis rouge est déjà prêt sur les
marches du palais et les lions dorés se dressent fièrement devant le
temple du cinéma. Que le spectacle commence ! Il débutera dans la grande salle avec "Atonement" ("Expiation") de Joe Wright, en compétition, d'après le best-seller de Ian Mc Ewan. Après minuit, ce sera la projection d'une version restaurée et intégrale du célèbre "Pour une poignée de dollars" de Sergio Leone. Et ce soir, en avant-première à l'ouverture du festival, sur le campo San Polo, dans "l'arena" sous les étoiles, comme autrefois, une projection de "Gli uomini che mascalzoni", un film de Mario Camerini datant de 1932, l'année du premier festival.