Dix-neuvième année - Nouvelle édition. Les Hors-Textes de Tramezzinimag :

11 novembre 2007

Les témoins d'un passé que nous n'avons pas vécu

Sans nostalgie ni mélancolie aucune, comment pourrait-on se promener dans les rues de Venise sans ressentir avec intensité la présence du monde d'avant. Sous les arcades du Rialto, on a toujours l'impression, même (et surtout) en pleine nuit, qu'une foule de gens, marchands affairés, usuriers, soldatesque à la recherche d'une taverne, huissiers de la Provéditure, paysans venus vendre leur production, a laissé là un peu de ce qu'ils furent. Mais au lieu de faire peur, cette présence aérienne est un réconfort. Le rappel que nous ne faisons que passer et que d'autres après nous continuent le chemin. C'est peut-être ces témoins rassurants d'un passé que nous n'avons pas vécu, mais dont nous sommes issus, qui fait qu'à Venise il y ait si peu de suicides et pas beaucoup de psychanalystes. "Venise où la régulation heureuse des esprits", un titre pour une réflexion métaphysique et philosophique que n'aurait pas désavoué Feu Monsieur de Casanova. De quoi inquiéter l'Inquisition en ses sombres bureaux du palais ducal...

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1 commentaire:

Tietie007 a dit…
Venise est une cité a-temporelle, où le temps n'a pas de prise ...
Par contre juste une petite demande. Je suis enseignant en France, au Lycée Vauvenargues à Aix en Provence, et je compte faire un voyage scolaire avec mes élèves à Venise, en avril prochain. Le Conseil général 13 conditionne une aide financière pour notre possible périple à un "appariement" avec un lycée du coin. Si tu connais un professeur qui travaille à Venise dans un lycée général ou technique, ça serait sympa de me mettre en contact avec lui.
Bonne journée.

C'est aujourd'hui la Saint Martin



La fête de San Martino se célèbre dans toute l'Italie par des manifestations en tout genre à l'occasion de ce fameux été de la Saint Martin, "l'été indien" des anglo-saxons, que les capricieuses variations climatiques rendent de plus en plus aléatoire. Cette brève période de temps beau et chaud caractéristique des régions méditerranéennes en ces premiers jours de novembre. Cette embellie qui surgit au milieu des premiers frimas, au moment des premières gelées comme le mieux du mourant avant son agonie. Venise très à l'affût de ce qui peut lui permettre de renouer avec la singularité de son passé tout en renouvelant les plaisirs offerts aux touristes a redonné à cette fête le lustre d'il y a cinquante ans.
 
Ce fameux été de la Saint Martin trouve son origine dans l' épisode le plus célèbre de la vie du saint. Par un jour particulièrement froid (c'était un 11 novembre), le jeune officier romain qui cheminait sur une route enneigée, rencontra sur sa route un pauvre vieillard à qui il donna la moitié de sa chlamyde, cette lourde cape militaire que les soldats portaient pour se protéger du froid. Aussitôt, le ciel s'éclaircit et un soleil intense fit fondre la glace et réchauffa la terre. Les hagiographes racontent que cette nuit-là, Martin vit le Christ en rêve qui portait sur ses épaules la moitié de la Chlamyde, le remerciait pour son geste de compassion. Martin, originaire de Panonie, était militaire contre son gré (son père était officier et il intégra le corps de la Schola, la garde d'honneur à cheval de l'Empereur), il devint évêque de Tours et fut l'un des premiers saints non martyr. Il mourut très âgé en 397, déjà très célèbre.
Partout en Italie, depuis les temps les plus reculés (l'anecdote remonte au IVe siècle), pendant ces chaudes journées du début novembre, on ouvre les bouteilles de vin nouveau et on déguste des châtaignes grillées. Le poète Giosué Carducci (premier italien prix Nobel de Littérature) a même célébré cette tradition dans un poème connu par tous les italiens et justement intitulé San Martino. 
A Venise, on fête le saint le 11 novembre. C'est une fête populaire qui avait peu à peu disparu. Autrefois on mangeait des marrons grillés et le vin nouveau coulait à flots. On chantait sous les fenêtres des gens en espérant qu'ils lancent à leur tour des châtaignes ou des sucreries. On retrouve depuis quelques années cette ambiance dans certains quartiers du centre historique : il est resté l'habitude de faire du bruit - notamment avec des couvercles et des casseroles - en demandant des bonbons ou autres douceurs aux commerçants ou aux passants (avant tout aux vénitiens). On chante pour l'occasion de vieilles comptines que les enfants apprennent pour l'occasion, comme celle-ci :

S. Martin xe'ndà in sofita
a trovar ea nonna Rita
nona Rita no ghe gera
S.Martin col cùeo par tera
E col nostro sachetìn
cari signori xe S. Martin

Cela donne approximativement en français (La traduction est un art difficile) : "Saint Martin est allé au grenier retrouver la nonne Rita mais la nonne Rita n'y était pas alors Saint Martin s'est assis par terre. Avec notre petit sac, Messieurs Dames, il y a Saint Martin".
 
Ce ne sont plus que les jeunes, et notamment les enfants des écoles, qui perpétuent cette bruyante tradition. Ils fabriquent casques, armures et chevaux en carton, le tout complété d'une épée et bien sur d'une cape rouge. Dans quelques écoles de la Terre Ferme, un homme déguisé en Saint Martin monté sur un vrai cheval vient à la rencontre des enfants pour leur distribuer des bonbons. Mas cela a lieu à peu près de la même manière partout ailleurs en Italie.

Ce qui caractérise vraiment la fête vénitienne, outre les comptines en dialecte, c'est le traditionnel dolce di San Martino : un gâteau de pâte sablée qui prend la forme du saint cavalier avec son épée et son manteau, garni d'un glaçage de sucre coloré, de pralines, de bonbons et de pastilles de chocolats. Il y a aussi une version toute nappée de chocolat. Chaque pâtissier a sa recette et les décorations varient d'un magasin à un autre.
Vous voyez il n'y a pas que "Halloween", cette tradition américaine que les publicitaires et les commerçants s'acharnent à imposer dans le monde pour développer de nouveaux prétextes à la consommation ! Car si la fête des citrouilles n'est pour la plupart des enfants (et des parents) qu'un joyeux divertissement, elle a à la base une origine mortifère où les esprits, le diable, les morts et les monstres ont la part belle. La San Martino, c'est au contraire la fête de la vie, de la lumière, de l'espérance qu'au plus sombre de l'hiver tout bientôt pourra renaître. Pour ma part, aucune hésitation. Je choisis la fête de la vie et la philosophie dont elle émane à cette culture de mort et de dépit qu'on cherche à nous imposer. La polychromie plutôt que le noir ! 
Pour ceux qui connaissent mal ou pas du tout Venise, l'église San Martino est située dans le sestiere de Castello, à deux pas de l'Arsenal. Elle a été construite par Sansovino en 1540 (mais la façade de style toscan revue et restaurée date de 1897). A l'intérieur, la nef est couronnée par un extraordinaire plafond en trompe-l’œil de Domenico Bruni. Le presbytère est décoré de fresques de Fabio Canal.

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1 commentaire:

Choubine a dit…
C'est une belle fête...