Nécessité faisant loi, les gens
réfléchissent, se regroupent et de nombreuses propositions commencent à
voir le jour. C'est à l'initiative des 40xVenezia
que se prépare l'élaboration d'un vaste programme immobilier à vocation
sociale dans le dernier ilôt constructible du centre historique laissé
en friche par le départ d'Italgas, à Dorsoduro. Quant au groupe forgé
autour de Venessia.com, on milite dans le même sens en préparant une vaste manifestation, "Les Funérailles de Venise".
Membre des deux groupes, je ne manquerai pas de vous tenir informé en
détail de ces opérations. Hélas, le vénitiens sont divisés. Il y a ceux
qui ne possèdent rien et sont obligés de quitter les logements que
souvent ils occupaient depuis de nombreuses années avec la
libéralisation des loyers et surtout l'abrogation de la loi qui
interdisait à un propriétaire de résilier un bail d'habitation pour
transformer son bien en mine d'or, c'est à dire l'aménager à destination
des touristes ou en faire des B&B plus ou moins
clandestins.
Ceux qui possèdent un bien immobilier ont vite compris le
parti qu'ils avaient à prendre et nombre d'entre eux a préféré s'exiler
sur la Terraferma pour vendre leur maison ou leur appartement.
Le prix du mètre carré étant ce qu'il est, on voit beaucoup de vénitiens
rouler dans des voitures somptueuses, acheter des bateaux qui ne
dépareraient pas sur le port de Saint-Tropez et s'offrir des vacances
aux Bermudes ou à Miami. Ceux-là se félicitent de la situation. Ils se
sont enrichis sans effort. Les jeunes ménages ne pouvant s'offrir un
appartement à plusieurs centaines de milliers d'euros, ni louer des 3
pièces exigus à 1500 euros par mois, émigrent du côté de Mestre, voire
plus loin encore. Cela entraîne la fermeture des écoles, la disparition
des commerces de proximité, etc, etc... Vous connaissez le mécanisme et Tramezzinimag en a souvent parlé.
Il
est encore temps de renverser la vapeur. Il est encore possible, tout
en développant les infrastructures destinées à accueillir des touristes
de plus en plus nombreux, de maintenir les entreprises installées à
Venise, d'en attirer de nouvelles, d'inventer de nouvelles solutions
pour circonvenir cet exode massif. Le projet Santa Marta en est
un, les initiatives de la municipalité à l'égard des entreprises du
tertiaire en sont d'autres. Face à la spéculation sauvage, face à
l'insatiable appétit des marchands de bien et des financiers
internationaux qui depuis trop longtemps font trope de mal à la planète
et à l'humanité, générant guerres et conflits en tout genre, le peuple
vénitien commence de se réveiller. Les jeunes surtout sont très remontés
et veulent vivre avec leur temps, de la même manière que tous les
autres jeunes des centres urbains modernes tout en préservant la
richesse d'un patrimoine et d'un cadre de vie unique au monde. Nous
devons les soutenir. Venise n'est ni une auberge, ni un zoo, ni un
musée.